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Intervention de Valérie Gonçalvès Université d’été du PCF aux Karellis - 29 août 2014 - Atelier « Transition énergétique »

Intervention de Valérie Gonçalvès

Université d’été du PCF aux Karellis - 29 août 2014

Atelier « Transition énergétique »

 

Le projet de loi appelé finalement « loi de programmation de la transition énergétique pour la croissance verte » sera normalement débattu début octobre à l’Assemblée Nationale. En effet, c’est après une mise en place laborieuse que le débat national de la transition énergétique a finalement commencé en novembre 2012. Après neuf séances plénières de son conseil national, des dizaines d’heures d’audition de diverses personnes, (chefs d’entreprises, universitaires, économistes, etc…), de multiples réunions de groupes de travail, plusieurs centaines de débat dans le pays ayant attiré 170 000 personnes, 1200 contributions déposés sur le site Internet (le PCF y a contribué), des journées de l’énergie à l’instar de celles organisées pour le patrimoine, qu’une synthèse des travaux a vu le jour. Une synthèse et non des recommandations comme cela avait été prévu au départ faute de consensus a été rendue. Toute cette opération lancée s’est donc conclu en juillet 2013. Ce document d’une trentaine de pages dresse la liste d’actions suggérées par les acteurs du DNTE en matière d’efficacité énergétique, de mix, de gouvernance et de financement dont le gouvernement Hollande s’est inspiré pour l’écriture de la loi. Notons également que depuis son élection, ce sont 4 ministres de l’écologie et de l’énergie qui se sont succédé.

En ce qui nous concerne, nous avons déposé une contribution sur le site national du débat public sur nos propositions en matière de politique énergétique. Vous les connaissez puisqu’elles sont regroupées au sein de notre plaquette publiée en mai 2012 que vous pouvez retrouver ici ou sur notre site Internet. Nous avons également contribué au débat public sur le centre de stockage des déchets CIGEO par l’écriture d’un cahier d’acteurs que vous pouvez également retrouver sur le site Internet. Nous avons également fait plusieurs communiqués de presse au cours du débat.

Ce débat a eu le mérite d’exister et d’être organisé mais les conditions de sa réussite n’ont pas été totalement réunies car peu de citoyens finalement y ont eu accès. C’est rester assez feutré et il a réussi finalement à rassembler un grand nombre d’initiés. Par exemple, il n’y a pas eu de débat télévisé. Ce débat a été dès le départ très contraint que ce soit dans le temps (9 mois) ou dans le cadrage imposé dès le départ par F. Hollande dans sa feuille de route dessinée lors de la conférence environnementale de 2012.

Alors qu’entend-on par le terme transition énergétique ? Car c’est un peu un terme fourre tout.

Alors si on regarde dans notre histoire, il y a déjà eu plusieurs transitions énergétiques.

1) La transition vers l‘hydraulique et le charbon après la Seconde Guerre Mondiale

2) La transition vers le pétrole et la « régression » du charbon après la signature du Traite de Rome en 1957

3) La transition vers le nucléaire après le premier choc pétrolier en 1974

4) La transition vers une énergie « libéralisée » et « décarbonée » depuis les années 2000

 

Pour nous, la transition énergétique, c’est le droit d’accès et à l’usage des énergies pour un développement humain durable pour tous. C’est un droit fondamental pour l’être humain, nul ne peut en être privé pour cause de pauvreté, de misère ou d’exclusion. Il protège ou pérennise l’accès à d’autres droits fondamentaux : l’accès aux soins, à la santé, à l’éducation, à l’eau, au travail… L’énergie est au cœur des processus de développement des sociétés occidentales. Encore aujourd’hui deux milliards d’êtres humains n’utilisent que la biomasse et 80 % des ressources énergétiques de la planète sont consommés par 20 % de la population mondiale.

Ce n’est donc pas un droit comme les autres.

C’est bien parce que l’énergie est au cœur du processus de développement de nos sociétés et la condition du développement et du progrès humain que nous nous devons de répondre aux besoins. Et il va falloir augmenter la consommation d’énergie pour y répondre puisque l’accroissement de la population devrait atteindre 9 Milliards en 2050 et que les pays en développement ne peuvent élever leur niveau de vie qu’en augmentant leur consommation énergétique. Il va donc falloir produire plus d’énergie au niveau mondial mais dans un contexte inédit imposé par le réchauffement climatique. C’est un point important et non partagé par tous à l’occasion du débat national sur la transition énergétique. Il est donc impératif à nos yeux de maîtriser ce réchauffement qui menace très directement l’avenir même des sociétés humaines (migration forcée de millions d’êtres humains, submersion de grandes villes ou désertification de régions, voire de pays entiers, perte de biodiversité et menaces sur la santé).

 

Cette maîtrise implique un recul massif de l’utilisation des énergies fossiles émetteurs de GES qui représentent à l’heure actuelle environ 84 % de la production d’énergie planétaire afin de ne pas dépasser une hausse des températures de plus de 2° C au cours du 21ème siècle !

Il est reconnu que le réchauffement climatique est lié à l’activité humaine et à l’émission de gaz carbonique principalement due à la combustion d’énergie. Il faut donc s’interroger sur nos modes de développement. La transition énergétique, c’est de passer d’un modèle qui s’appuie sur plus de 80 % d’énergie fossile à un modèle où les énergies décarbonnées sont dominantes.

 

Concernant le projet de loi proprement dit puisqu’il s’agit de cela pour notre atelier.

 

Les grands objectifs de la loi réaffirment les orientations du Président de la République présentées lors de la première conférence environnementale:

  • diminution de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030

  • diminution de 30% de la consommation de ressources fossiles en 2030,

  • augmentation du renouvelable à 32% à horizon 2030 (40 % de l'électricité, 38 % de la chaleur et 15 % des carburants), 1

  • diminution de la part du nucléaire de 75 à 50% à horizon 2025,

  • réduire notre consommation énergétique de 50 % d’ici 2050.

Alors si l’on prend ce dernier objectif. Réduire par 2 notre consommation

Cet objectif est totalement contestable. En effet, cette perspective est complètement incohérente avec la démographie dynamique de la France, avec l’exigence du droit à l’énergie pour toutes et tous et donc avec la satisfaction des besoins sociaux dont j’en ai rappelé l’incontournable nécessité. C’est surtout fermer la porte au redressement souhaitable de notre industrie. La convention de l’industrie organisée par notre Parti sera l’occasion d’en débattre. Le redressement de notre industrie, qui est une condition essentielle du redressement du pays, suppose un accroissement de nos capacités de production et donc de consommation d’énergie, même maîtrisée. Dès lors envisager une baisse massive de la consommation énergétique cela voudrait dire que l’on mise sur la poursuite de la désindustrialisation du pays. Ce que nous ne pouvons accepter.

La France devrait selon les meilleures prévisions existantes, s’acheminer vers une population de 70 millions d’habitants en 2050 contre 65 millions aujourd’hui. Ce facteur a été clairement sous estimé dans la cible d’une division par 2 de la consommation. En effet, cela supposerait que chaque habitant consommerait 54 % d’énergie en moins.

 

Comme le propose ce projet de loi, la responsabilité historique devant laquelle nous sommes placés impose bien un objectif très ambitieux, celui de contribuer à réduire de 40% en 2030 les émissions de Gaz à effet de serre (GES) dont le CO2 en Europe. Il en sera d’ailleurs fortement question lors de la conférence internationale qui se tiendra en France au Bourget en décembre 2015.

Pour atteindre cet objectif de réduction des émissions de GES, la France dispose pour cela de plusieurs leviers qu’il faut utiliser au mieux en fonction des atouts dont nous disposons et des moyens matériels que nous pouvons mobiliser. Soulignons d’ailleurs que la France est bien placée principalement dû au fait que son électricité est fortement décarbonnée (nucléaire et hydro). L’Allemagne émet deux fois plus de CO2 que nous.

Souvent sous estimé, le transfert d’usage, c’est à dire le changement des sources d’énergie utilisées pour satisfaire un besoin déterminé, peut apporter une contribution importante à la réduction des émissions de CO2. C’est pourquoi, nous avons fortement insisté auprès de la Ministre pour inclure les transports dans la loi qui au départ étaient totalement occultés. Le débat se focalisant sur l’électricité et le nucléaire. Pourtant la partie électricité nucléaire représente 18 % de la consommation finale d’énergie et avec 9% des émissions de CO2 en raison du mix nucléaire et hydraulique.

 

Et puisque qu’en France, les bâtiments et les transports, c’est 70% de notre consommation d’énergie, il est nécessaire de mettre en œuvre très rapidement un plan d’efficacité énergétique et en finir avec les gaspillages.

L’efficacité énergétique : transports, bâtiment

 

Transports2

 

En France, le secteur le plus émetteur de GES est le transport avec 27% et il consomme ¼ (35%) de l’énergie. [La consommation énergétique finale en France 2011 se repartie, 46% de produit pétrolier, 20% de gaz, 3% Charbon ; 9% ENR, 22% Electricité (18% nucléaire)].

 

Les énergies fossiles représentent aujourd’hui 69% de l’énergie finale consommée en France et les transports consomment près de la moitié de cette énergie avec 44%. Ils sont assurés à 92% par du pétrole.

 

Or, la question des transports n'est évoquée qu'au travers du développement du véhicule électrique. Si cela va dans le bon sens, cela reste insuffisant.
Le projet de loi propose : 
Une Prime à la conversion offerte pour l’achat d’un véhicule électrique en cas de mise au rebut d’un véhicule diesel. Avec le bonus et sous certaines conditions la prime peut atteindre 10 000€.3

Voiture électrique peuvent circuler sur les couloirs de bus.

Obligation pour les établissements publics et l’Etat devront acheter 50% de voitures électriques au renouvellement de leur flotte. [Les collectivités territoriales pourront puiser dans la dotation spécifique de 5 milliards d€ issus des prêts « croissance verte » à 2 % que va mettre en place la Caisse des dépôts)].

Le déploiement de bornes de recharge. (7 millions de points de recharge en 2030). Le coût de l’implantation des bornes d’alimentation électrique pour recharger les batteries n’est pas évoqué or il est estimé à 1 000€ par borne (cf audition M. Bellon au Sénat).4

Le développement du véhicule électrique, tant que l'on n'aura pas de rupture technologique sur l'autonomie des batteries (importance de la recherche) restera limité aux zones urbaines (d'où l’engagement réaffirmé de poursuivre la production de véhicules thermiques avec baisse de la consommation et des émissions). 

Ne sont pas abordées les questions qui fâchent : fret ferroviaire, fermeture des lignes secondaires, autorisation de circulation du 44 tonnes, sous-tarification des transports (bateaux etc....), inter-modalité, l'urbanisme en particulier l’étalement urbain (éloignement travail / domicile du fait coût de logement), la faiblesse de l'appareil productif pour produire ou recycler (aciérie etc....) qui nous contraint à importer la majorité de ce qu'on consomme (sans compter le Co2 importé). Il est donc meilleur pour la planète d’empêcher les délocalisations et même de relocaliser en France et privilégier les circuits courts.

 

L’exemple de l’écotaxe (péage de transit) est éloquent en ce sens avec la décision du gouvernement de revenir sur son projet suite à la mobilisation des « bonnets rouges » : c’est 4000 km de route concernées au lieu de 15000km avec une diminution de moitié de la recette. Ce qui aura des conséquences sur le financement des infrastructures (ferroviaire, fluvial). [Sont concernés les camions de + de 3.5 tonnes. Le % moyen de prélèvement est de 13 centimes/km. Mise en service 01.01.2015. 170 portiques. Pénalité de retard entre 100 et 200 millions d€ pour 2014. Elle devait rapporter 1.1 milliards d€/an. Elle rapportera que 550 millions €]

 

Logements 5

Le bâtiment est le secteur qui consomme le plus d’énergie (44%) et représente 25 % des émissions de GES. Et il constitue donc un gisement d’efficacité énergétique. Les économies d’énergie font consensus et nous proposons un grand plan d’urgence de rénovation des habitats existants les plus énergivores.

 

Sur l'isolation du bâtiment deux questions se posent et ne sont pas résolues dans le projet de loi : 
  • quelle filière professionnelle (formations et emplois : la filière de la construction a perdu 70 000 emplois en deux ans et emploie 200 000 salariés détachés payés 600 euros par mois).
  • quels financements pour réaliser les travaux  (l'annonce du président de la République de 500 000 logements isolés par an (380 000 logements privés et 120 000 logements sociaux) nécessite de trouver entre 10 et 15 milliards par an). Or en 2013, seuls 60 000 logements privés et 100 000 logements sociaux ont été rénovés. L'obligation d'isolation des bâtiments par la loi va poser de sérieux problèmes s'il n'y a pas les financements6. Il serait dangereux de croire que les financements se feront avec les économies d’énergie. 6 millions de personnes vivent encore dans des logements qualifiés de « mauvaise qualité » situant la France au 18ème rang européen sur 24.
Je rappelle que les 2/3 sont chauffés au gaz et fioul donc des énergies fossiles et 1/3 à l’électricité. Les économies d’énergie doivent être opérées sous la contrainte prioritaire de réductions des émissions de CO2. Par exemple, remplacer l’eau chaude sanitaire produit par du gaz ou fuel par un système combiné solaire thermique + cumulus électrique. Il devrait être subventionné.

Autre exemple : il faudrait remplacer l’énergie de cuisson de gaz par l’électricité Il faudrait subventionner l’achat de plaque à induction.

 

Pour nous, l’efficacité énergétique passe par fabriquer des matériels plus performants qui fait économiser de l’énergie (transport, logement, isoler les bâtiments).

L’obsolescence des matériels est également un sujet sur lequel il faut se pencher sérieusement.

Financement pour la rénovation des bâtiments il est prévu :

  • sur une durée courte, un peu plus d’un an, des simplifications et le renforcement d’allègement d’impôt, quand on sait que la moitié des français ne paie pas d’impôts !

  • la relance de l’écoprêt à taux zéro avec un accès facilité, qui aujourd’hui ne fonctionne pas.

  • la mise en place du tiers-financement (reconnaissance dans la loi des sociétés de tiers-financement généralement créées par les Régions),

  • la création d’un fonds de garantie pour la rénovation énergétique afin que les banques puissent distribuer de nouveaux prêts moins couteux….

 

La rénovation thermique est d’une impérieuse et urgente nécessité notamment pour combattre la précarité énergétique. La France compte désormais 3.6 millions de personnes mal logées ou sans abri. Et 8.6 millions de français vivent avec moins de 964 euros/mois.

La précarité énergétique.

Les aides consacrées à la précarité énergétique prendraient désormais la forme d'un chèque énergie pour aider les revenus modestes à rénover les logements. Cela vient compléter le programme « habiter mieux » de l’ANAH. C’est une bonne chose si cette nouveauté ne supprime pas les actuels tarifs sociaux qui restent trop insuffisants. C’est une complémentarité qu’il faut rechercher. Le chèque énergie peut présenter l'avantage de contribuer à alléger le poids des factures énergétiques tel le fuel et le bois notamment en zone rurale. Les montants effectifs et les dispositifs liés à leur versement sont à ce jour, inconnus. Je rappelle qu’en France ce sont 8 millions de personnes qui sont en précarité énergétique. Rappelons que la facture énergétique moyenne d'un ménage est de 3200 euros (logement : 1800 €+transport : 1400€).

Le droit à l’énergie pour tous doit être garanti par le service public en France. Il devrait être inscrit dans la loi.

Par exemple pour les aides du FSL, rien n’est prévu pour obliger l’ensemble des fournisseurs d’énergie à le financer. Aujourd’hui seuls les fournisseurs historiques y contribuent.

La TVA sur l’énergie est à 20 % comme sur un produit de luxe ! Elle devrait être ramenée à 5 %.

Mix énergétique

Le projet de loi LPTE, fixe des objectifs quantifiés quant à la part du nucléaire, à la part de la consommation d’énergie fossile et à l’objectif de développement des ENR (porter en 2030, soit 15 ans, la part des ENR à 32% de notre consommation énergétique finale, contre 14 % aujourd’hui. Et à 40% de l’électricité produite contre 18.6% aujourd’hui). Ces objectifs sectoriels sont difficilement conciliables et peuvent conduire à des surcouts voire à des impasses.

En ce qui concerne le mix énergétique nous considérons qu’il ne faut opposer les énergies les une aux autres mais s’attacher à « exploiter » le mieux possible chacune d’entre elles en fonction de leur potentialités et au regard des objectifs visés.

C’est pour cette raison que nous devons défendre un ambitieux plan de recherche touts azimut dans chacun des secteurs énergétiques. C’est une bataille en soi qui doit prendre de l’ampleur car la recherche est aujourd’hui très malmenée. L’investissement privé et public en France est en recul. Notre pays consacre 2.24% du PIB à la recherche, on est loin de l’objectif des 3% fixé par le traité de Lisbonne. Est-il nécessaire que le crédit d’impôt recherche est pourtant généreusement distribué aux entreprises pour environ 6 milliards en 2013. Alors oui la recherche est primordiale, elle pourra ouvrir des champs nouveaux et des sauts technologiques. Il faut donc nécessaire d’investir dans les nouveaux matériaux, les nouveaux processus industriels, vers de nouvelles technologies plus économes en matières premières, en énergie et en rejets environnementaux, plus respectueuses de la santé des salariés.

Le modèle allemand souvent montré en exemple à ce sujet, s’avère un échec, comme vient de le préciser le Vice Président de l’Allemagne après de nombreux observateurs, avec un coût de l’énergie pour les usagers très élevé en particulier pour l’électricité et bien supérieur au nôtre, le coût de l’investissement pour les réseaux pour transporter l’électricité du sud au nord de l’Allemagne est très important. On estime ce coût pour l’Europe à 1 000 milliards d’euros. Enfin le choix privilégié des ENR dans la perspective de la fermeture de toutes les centrales nucléaires en Allemagne contraint le pays à développer des énergies thermiques (notamment la lignite) compensatrices à l’intermittence particulièrement polluantes et productrices de GES. Cette voie ne nous semble le modèle à suivre.

En effet, compte tenu que l’objectif central est la réduction des émissions de CO2, réduire de façon automatique la part du nucléaire supposerait d’expliciter avec quoi seront produits les 50% restants. Or, le projet de loi est muet sur ce point. Le projet n’avance pas, par prudence d’objectifs de pénétration des ENR. Il y a à cela deux raisons essentielles livrées en filigrane :

  • Le coût du soutien direct aux ENR est en passe de devenir insoutenable. C’est la raison de la réforme projetée du dispositif d’obligation d’achat, que nous demandons de longue date. C’est aussi pour cela que le projet propose la mise en place d’un comité Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE) pour surveiller la montée en charge de ce prélèvement qui pèse sur la facture du consommateur final7.

 

  • De plus, l’adaptation des réseaux au développement des ENR, tant en électricité qu’en gaz, se heurte à des besoins d’investissements. Cela n’est pas sans poser problème à la sécurité du système énergétique. C’est la raison pour laquelle la recherche doit progresser et doit être soutenue pour lever les obstacles de tous ordres au développement massif des ENR. Il faut obtenir l’abolition de ce système d’obligation d’achat et aller vers un développement organisé des énergies renouvelables en fonction de leur efficacité technique, de leur coût de revient et de leurs perspectives de développement d’une filière industrielle nationale.

 

Par ailleurs, la composante thermique classique (gaz et charbon principalement) n’est pas non plus évoquée. Or, les pays qui ont fortement développé les ENR dispose de capacités thermiques importantes, contrairement à la France. Baisser la part du nucléaire à 50 % ne peut signifier d’avoir 50% d’ENR car cela ne serait pas soutenable techniquement du fait de leur variabilité (intermittence du vent pour éolienne et soleil pour le photovoltaïque). La baisse des consommations d’énergie fossiles de 30 % annoncée en 2030 exclut à priori un recours massif au thermique dans la production d’électricité, sauf à soutenir que cette baisse serait obtenue uniquement sur les transports et le logement. Comme indiqué plus avant, les centrales thermiques gaz ou charbon sont particulièrement productrices d’émissions de GES donc incompatibles avec leur réduction afin de maintenir le réchauffement climatique en dessous de la barre fatidique de 2°C préconisé par le GIEC et l’ONU. Il faudrait que toutes les nouvelles centrales thermiques au gaz, charbon, fuel soient assorties obligatoirement d’un dispositif de captage/stokage du CO2 ce qui est loin d’être le cas.

L’avenir du nucléaire

Soulignons qu’à l’heure actuelle le nucléaire est en plein développement à l’échelle internationale. Il est évoqué la construction potentielle de 310 réacteurs dans le monde. Nous considérons que la France doit prend sa part de cette évolution car elle apporte des savoir faire et des technologies de haut niveau et surtout elle a su se doté d’organisme véritablement indépendants ASN, IRSN, CEA dont les compétences sont reconnues à l’échelle de la planète. Et pour la France est-il imaginable de se passer d’un développement maîtrisé du nucléaire ne serait-ce pour remplacer les réacteurs en fin de vie?

Concernant la réduction de la part du nucléaire dans le mixte électrique de 75% à 50%, la loi ne présente pas d’option réaliste pour démontrer sa faisabilité. Notons tout d’abord que le gouvernement n’est pas allé jusqu’à afficher l’objectif de fermetures de centrales dans ce texte alors que des voix se sont exprimées en se sens. Pour nous, c’est un point positif. En effet le gouvernement butte sur des problèmes juridiques et financiers. Juridique : sur le plan du droit, l’Etat ne peut aucunement prendre une telle décision qui est soit du ressort de l’ASN pour raison de sureté8 (dont il serait déterminant de renforcer les équipes d’expertise nucléaire notamment les ingénieurs9) ou de l’opérateur propriétaire des installations. Et sur le plan financier si il pouvait le décider, l’Etat se devrait d’indemniser l’opérateur public propriétaire ; ce qui représenterait des coûts exorbitants. C’est pour ces raisons que la fermeture de Fessenheim n’est pas inscrite dans la loi. Nous nous en félicitons.

Notons encore que la ministre a indiqué dans la presse qu’elle pensait « qu’on ne pourrait pas sortir du nucléaire » et « qu’une centrale ne se fermait pas en appuyant sur un bouton ». Elle confirme par ailleurs le maintien (donc le plafonnement) des capacités de production électrique d’origine nucléaire à 63 GW. L’évolution du parc nucléaire est prévue dans le texte de loi par la réévaluation des objectifs en fonction des réalités à une période donnée. Les trajectoires seront précisées dans une PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie)10.Cela veut-il dire que toute fermeture serait compensée par l’ouverture d’une autre ?

Finalement on peut penser que la diminution en proportion de la part du nucléaire dans le mix énergétique résulterait de l’augmentation de la consommation par d’autres moyens ENR, hydraulique, thermique. Cette évolution dans des délais rapprochés semble très difficile voire impossible à tenir d’autant qu’aujourd’hui on ferme des centrales thermiques et qu’il y a peu de possibilités d’augmenter l’hydraulique. L’augmentation de cette consommation pourrait alors résulter de transferts d’usages dont l’intérêt en terme environnemental est lié au fait que le parc électrique français émet peu de gaz à effet de serre grâce au nucléaire et à l’hydro électricité comme je l’ai déjà dit plus avant.

De fait, le dispositif proposé est avant tout un savant équilibre politique qui ménage les tenants de la réduction de la place du nucléaire et ceux qui s’y opposent. Cette question doit être tranchée de façon dépassionnée, d’une part au regard des atouts du pays (la filière nucléaire est la troisième filière industrielle du pays) et d’autre part de l’incontournable objectif de réduction des émissions de GES. Par ailleurs, le coût de l’électricité en France tant pour les ménages que pour les entreprises est également un élément majeur à prendre en compte. C’est un facteur de localisation industrielle. Le prix de l’électricité aux particuliers en France est inférieur à nos voisins européens. En Allemagne il est supérieur de 80 % par rapport à la France.

Concessions hydrauliques : attention danger !

L’inscription dans le projet de loi de l’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques à l’occasion de leur renouvellement participe à une privatisation pure et simple de la production hydroélectrique. Or l'hydroélectricité contribue aux multi-usages de l'eau, comme la gestion des crues, la sécurité des biens et des personnes mais également elle permet de répondre aux exigences des périodes de pointe de consommation. Notre hydroélectricité participe à faire face également à l’intermittence des énergies renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque. L'eau est un bien commun de la Nation et un droit universel !

 

A l'heure où les besoins de financements sont considérables pour répondre aux objectifs de développement de nos énergies renouvelables et de réduction significative de nos émissions de GES, il est inadmissible de participer à la grande braderie de notre parc hydraulique. Pour les communistes il est essentiel de réaffirmer la place du secteur public dans toutes les composantes de l’énergie.

 

Economie circulaire : vision réduite.

Le texte prévoit comme objectif de réduire de 7 % la quantité de déchets ménagers à l’horizon 2020 et de 50 % les déchets mis en décharge à l’horizon 2025. L’enjeu de l'économie circulaire est encore une fois abordée par le petit bout de la lorgnette, c'est à dire cantonnée à la question des déchets. On ne parle ni d'éco-conception des produits, ni de la réalisation de zones économiques et industrielles conçues en « circuit fermé », le déchet d’une entreprise devenant la matière première de l’autre. Par contre, ça n’étonne personne que l’on soit obligé de transporter notre acier jusqu’en chine par camion pour le recycler puisque nous n’avons plus d’acierie en France et de ré-importer la matière transformée en France sans compter les émissions de CO2 que cela génère. Donc économie circulaire oui, mais entendons nous sur la taille du cercle d’autant que dans ce secteur ces nouveaux métiers constituent un conséquent filon d’emplois pour l’avenir.

Le risque d’une territorialisation de l’énergie.

Le projet de texte de loi développe l'idée de territoires à énergie positive ou encore permettre aux communes et leur groupement de participer au capital d’une société anonyme dont l’objet social est la production d’énergie. Ou encore l’article 61 qui « permet l’expérimentation des boucles locales afin de fédérer au sein d’un périmètre un ensemble de consommateur et de producteurs et gérer les flux d’électricité en corrélant consommation et production ». Cela risque de créer des inégalités entre ceux qui ont des moyens de production et les autres. On avance sur le terrain de la territorialisation de l'énergie à l’échelon régional (en lien avec la réforme territoriale). Des mobilisations sont à envisager car au-delà de ce qui sera possible de concrétiser dans ce domaine on peut craindre une profonde fragilisation de l'actuelle égalité de traitement de service public, notamment au travers de la remise en cause du principe de péréquation tarifaire et de solidarité sur l’ensemble du territoire national.

Emploi

Il y a un objectif de création de 100 000 emplois en 3 ans grâce aux économies d’énergie et aux emplois nouveaux dans les filières de la croissance verte. Si cela peut être positif au regard des 100 000 emplois dans le secteur industriel perdus ces 3 dernières années, cela ne peut se faire au détriment de la filière nucléaire qui, je le rappelle, emploie environ 400 000 personnes en France.

Maîtrise publique

 

Enfin sur la réalisation de faire un bilan des 10 dernières années de déréglementation du secteur imposé par l’Union Européenne qui a généré gaspillages, complexification, déstructuration du secteur, le projet de loi ne prévoit rien. Or la déréglementation du secteur organise bon nombre de gaspillages. Par exemple, en France, on torche du gaz, c'est-à-dire que l’on brule du gaz au lieu de remplir les stockages avant l’hiver car cela créée une ligne supplémentaire dans le bilan comptable de l’entreprise. D’après une étude de la Confédération Européenne des Syndicales (CES), ces gaspillages, dus à la déréglementation depuis 12 ans, ont coûté 250 milliards d’euros.

 

Le projet de loi n’a pas pour ambition la reprise de la maîtrise publique du secteur de l’énergie par la création d’un pôle public qui permettrait de coordonner et fédérer toutes les entreprises du secteur afin de mettre en cohérence les compétences et servir l’intérêt commun et d’en finir avec les concurrences destructrices. Ni même la création d’une agence européenne de l’énergie (approvisionnement, émission de CO2, réseaux).

Enfin, pour conclure, on peut dire que le projet de loi est très ouvert et qu’il va certainement donner lieu à de sérieuses batailles d'amendements pour faire pencher la loi dans un sens ou un autre. Le gouvernement complétera la loi en procédant par décrets.

Il reste beaucoup d’interrogation notamment sur les financements. La ministre annonce 10 milliards sur 3 ans qui ne relèveront pas de la dépense budgétaire. Une conférence bancaire a été mise en place avec 4 groupes de travail qui doivent rendre leurs travaux très prochainement pour être intégrée à loi de finances). A nous, de rester très vigilants.

1 L’objectif était de 23% en 2020 (paquet climat énergie). En 2012 la part des ENR atteint 14%. Pour l’électricité, elle atteint à peine 18 % : 13.3 % par l’hydraulique, éolien moins de 3% et PV moins de 0.8%.

2 En 2014, environ 36 000 véhicules électriques circulent en France, soit moins de 0.1% du par automobile national.

3 Bonus majoré si l’acquéreur de débarrasse de son véhicule diesel. Elle sera versé sous conditions de ressources. Réservée au zone où la qualité de l’air est dégradée.

4 En 2009, le plan Borloo visant 400 000 bornes d’ici à 2020 dont 75 000 en 2015. On en compte 31 000.

5 La France compte 29.6 millions de logements dont 65 % ont été construits avant 1975.

6 Les travaux de rénovation énergétique seront obligatoirement couplés à la réfection des toitures, au ravalement de façade et à l’extension de la surface habitable.

7 L’éolien (11% - 567 millions) et le PV (41% - plus de 2 milliards – le prix d’achat pays aux producteurs est 4 fois plus élevé que le prix de vente aux usagers, cela pour quelques heures/jour sans aucun développement d’une filière industrielle) s’élèvent à eux seuls à 52% du montant de la CSPE que chaque consommateur paie sur sa facture. 3 % - 145 millions pour le soutien aux tarifs sociaux des plus démunis. Péréquation 28 % (1432 millions)

8 La loi contient un article visant à raccourcir les délais entre l’arrêt d’un réacteur et son démantèlement.

9 Pour renforcer le dispositif de contrôle de la sûreté nucléaire, l’ASN réclame 190 emplois supplémentaires (125 pour l’ASN et 65 pour l’IRSN) et un budget accru de 36 millions d’€ (21 pour l’ASN et 15 pour l’IRSN). En 2013, le budget de l’ASN s’élevait à 79 millions d’€ et celui de l’IRSN à 212 millions (dont 84 consacrés à son action d’appui à l’ASN). Pour rappel, la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) acquittée par les exploitants (EDF, CEA, et AREVA) et versée au budget de l’Etat a atteint 579 millions d€

10 Le groupe EDF devra élaborer un plan stratégique en cohérence avec les objectifs de l’Etat. Une commission parlementaire est créée pour évaluer ce plan qui devra ensuite être entériné par le ministère de l’énergie.

 

 

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Intervention de Valérie Gonçalvès Université d’été du PCF aux Karellis - 29 août 2014 -  Atelier « Transition énergétique »

le 01 September 2014

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