Commission énergie du Parti communiste français

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Airbus : Les institutions politiques européennes devant leurs responsabilités(1)

Par Economie et Politique, le 31 March 2007

Airbus : Les institutions politiques européennes devant leurs responsabilités(1)

L’audition du 28 mars 2007, à Bruxelles, présidée par Francis Wurtz, au nom du groupe gauche unitaire européenne/gauche verte nordique (GUE/NGL), et à laquelle participaient Peter Scherrer, secrétaire général de la fédération des métallurgistes (FEM) et Reiner Hoffmann, Secrétaire général adjoint de la confédération européenne des syndicats (CES) a réuni une quarantaine de responsables et de militants syndicaux d’Airbus de L’UE, de députés et des représentants d’institutions concernées par cette crise . Il s’agissait d’examiner les raisons de la crise actuelle et les solutions alternatives ainsi que le rôle des institutions européennes.

Francis Wurtz qui ouvrait les travaux a notamment déclaré en accueillant les participants: « Je me réjouis particulièrement de voir réunis à cette initiative des représentants syndicaux français, allemands, britanniques, espagnols et belges. À un moment où les tentatives se multiplient d’opposer entre eux les salariés d’Airbus, c’est un symbole fort.» Il a poursuivi en caractérisant l’enjeu de la rencontre: « À mes yeux, « Power 8 » est inacceptable. Nous en demandons le retrait. La cause profonde de la crise actuelle doit être recherchée dans le poids exorbitant des actionnaires privés dans le capital d’EADS. Les États ne doivent pas se défausser. C’est pourquoi il est nécessaire d’engager une montée en charge du capital public dans EADS.  Il faut aussi initier des modes de financement nouveaux pour libérer l’entreprise de l’emprise des marchés financiers. La Banque européenne d’investissement (BEI) doit s’impliquer sans emprunter sur les marchés financiers avec un refinancement de la BCE à moindre coût. Des droits nouveaux d’intervention dans la gestion et la stratégie doivent aussi être développés. Airbus doit redevenir une grande ambition industrielle européenne.»

Peter Scherrer a réitéré  le rejet des métallurgistes  européens du plan Power 8. Refus des ventes de sites, des réductions d’emplois mais aussi volonté de voir mis en œuvre un vrai plan industriel basé sur l’innovation et le savoir faire des salariés. Il a appelé à une politique industrielle européenne soutenant l’aéronautique, notamment en terme de recherche et de développement, services qui sont essentiels à ce secteur. Il a rappelé qu’: « EADS est une société très européenne. Sa main d’œuvre hautement qualifiée constitue son principal atout. Je suis dès lors étonné qu’elle n’accorde aux représentants des travailleurs aucun siège au sein de son conseil d’administration, ce qui leur permettrait d’avoir une influence sur le processus de décision au sein de l’entreprise. »

Reiner Hofmann dénonce « les profits énormes des grands groupes alors que les emplois disparaissent » et « le besoin de réponses européennes à des défis que l’on ne peut pas relever qu’au niveau national ». Il invite à « réfléchir à rendre le modèle européen plus étanche au profit à court terme » et considère que « les marchés financiers ont trop d’influence ». Il s’interroge sur le fait que « la Commission européenne ne voit pas la nécessité de réglementer ce genre de pratique alors que des emplois sont en jeu ». Il accuse le patronat européen organisé dans l’UNICE de ne pas respecter l’accord signé en 1999 avec les syndicats de salariés sur les contrats atypiques, dont le préambule  précisait  que ces formes d’emploi ne devaient être qu’exceptionnelles.

Il montre en s’appuyant sur l’exemple d’EADS que l’information ne suffit pas et pose le problème de droits effectifs pour les salariés : « Seule une participation active des représentants des travailleurs dans le processus de restructuration permettrait d’éviter des répercussions sur l’emploi et les conditions de travail. » il a demandé par exemple des améliorations rapides des textes européens sur les comités d’entreprise européens en ce sens avec,notamment, une représentation appropriée des syndicats dans les processus de prises de décision de l’entreprise et pas seulement à titre d’information après coup.

Le débat qui a suivi a donné l’occasion à des syndicalistes d’illustrer ces exigences. Les syndicalistes  des différents pays ont montré les ravages, pour l’emploi mais aussi pour la capacité industrielle du groupe, du plan Power 8 et cela alors même que le carnet de commande est plein. « Plus de 6 ans de travail et un chiffre d’affaires de 250 milliards ! »

Ils ont, à force d’exemples, fait ressortir les ravages sociaux et économiques  du plan et ont montré son incohérence notamment du point de vue de la capacité future d’EADS à rester un grand acteur en ce domaine. Tant en ce qui concerne les questions d’argent, qui ne manque pas dans l’entreprise, que de financements à taux réduits pour le développement de programmes et d’investissements créateurs d’emplois et de richesse, ils ont affirmé la possibilité de mettre en œuvre d’autres choix.

S’inscrivant dans la débat, Helmut Markov député européen de la GUE/NGL a tenu à noter la pertinence des exigences qui ont été formulées dans le débat. Les relevant point par point, financement, carnet de commandes, emploi et nécessité de maintenir et d’accroître les activités, participation des salariés et des États aux décisions. Il affirmé  non seulement qu’elles rejoignaient les siennes mais qu’il y a dans ces propositions richesse, ils ont affirmé la possibilité de mettre en œuvre d’autres choix.

S’inscrivant dans la débat, Helmut Markov député européen de la GUE/NGL a tenu à noter la pertinence des exigences qui ont été formulées dans le débat. Les relevant point par point, financement, carnet de commandes, emploi et nécessité de maintenir et d’accroître les activités, participation des salariés et des États aux décisions. Il affirmé  non seulement qu’elles rejoignaient les siennes mais qu’il y a dans ces propositions

Conclusions de Jacky Hénin pour l’Audition Airbus

La crise d’Airbus et le plan de casse Power 8, ne concernent pas que le groupe EADS et ses sous-traitants. C’est l’avenir de toute l’industrie aéronautique européenne qui est en jeu.

La vocation industrielle de l’Union européenne et son indépendance technologique par rapport aux États-Unis sont menacées. En effet, dans les domaines de l’électronique, de la robotique, des nouveaux matériaux, de la conception assistée par ordinateur (CAO) ou du dessin assisté par ordinateur (DAO), la construction aéronautique tire l’ensemble de l’industrie européenne en matière d’innovation technologique.

L’Europe a besoin d’une industrie aérospatiale, puissante, à la pointe de l’innovation et créatrice d’emplois. Et sa force repose sur le savoir-faire de ses salariés. Tout doit être fait pour le préserver et le développer.

Le plan Power 8 est un danger non seulement pour Airbus mais aussi pour toute l’industrie aérospatiale  européenne. Power 8 n’est pas simplement un plan de restructuration. Il s’agit de mettre en œuvre un changement en profondeur des modes de production dans l’industrie aérospatiale européenne.

Il substitue  une logique financière de concurrence  à une logique industrielle de coopération.

Là où on mettait en synergie les hommes, les sites de production, les réseaux de sous-traitants, les potentiels industriels nationaux, Power 8 met en concurrence à outrance, les salariés, les sites, les sous-traitants, les nationalités.

C’est inacceptable ! C’est dangereux !

On laisse entendre qu’il n’y aura pas de licenciements secs en particulier dans les secteurs de la production et des études. Mais à terme, quelle garantie pour l’emploi des salariés des sites industriels qu’EADS cèdera à ses partenaires ?

40 % des salariés parmi les plus qualifiés d’Airbus vont partir à la retraite  dans les dix ans. Avec Power 8, vont ils être

« remplacés » par des contrats précaires et par des mesures d’externalisations ou de délocalisation hors des frontières de l’Union européenne,  entraînant  ainsi une terrible perte de savoir faire pour l’entreprise ?

On ne peut qu’être inquiet lorsqu’on rapproche l’ampleur de ces départs à la retraite, de l’objectif que se fixe Power 8 de réduire de 40 % les coûts de développement d’Airbus.

Cette logique, focalisée sur la soif de dividendes des actionnaires, compromet  l’avenir de la filière aérospatiale  européenne en étant source de gâchis, de perte d’indépendance technologique, de disparitions de savoir faire stratégique…. Power 8 doit être retiré, c’est incontournable.

Le futur de l’Europe de l’Aérospatiale ne peut se résumer à un meccano financier entre EADS, BAE system, Finmeccanica, Aero Vodochody, Dassault, Safran, MTU, Rolls Royce et d’autres.

Principes, contrats et statut de sécurisation de l'emploi et de la formation

Par Paul Boccara, le 31 January 2007

Principes, contrats et statut de sécurisation de l'emploi et de la formation

Introduction de l’atelier 1 par Paul Boccara,Il s'agit :

● des nouveaux principes du droit du travail,

● de la sécurisation des contrats de travail,

●  du statut de sécurisation et de promotion des travailleurs.

Ces propositions visent une co-élaboration citoyenne d'une loi de sécurisation sociale de l'emploi et de la formation, que nous proposons avec Marie-George Buffet. Cette loi comporterait cinq ensembles.

Il ne s'agit, dans cet atelier, que des deux premiers ensembles : principes, contrats et statuts.

Avec les licenciements et les suppressions d'emplois en rafale et face à la persistance du chômage massif et à la précarisation grandissante monte un ras le bol. Ces pratiques intolérables des entreprises s'appuient sur des mises en cause du droit du travail que les forces dominantes veulent  pousser encore plus loin :

● après  le CNE, permettant  de licencier sans motif et sans recours les deux premières années, il y a eu le CPE qui a été rejeté,

● mais Mme Parisot et le Medef reviennent à la charge avec leur « séparabilité par consentement mutuel » pour « dédrama- tiser les modalités du licenciement ».

Et Sarkozy propose un « contrat unique » inspiré du CNE : tout en prétendant qu'il s'agit d'un CDI, il déclare que les droits de protection croîtraient avec l'ancienneté, c'est-à-dire qu'ils seraient nuls ou très faibles au début, où l'on pourra licencier à tout va.

Cependant, avec le ras le bol, c'est aussi la montée de l'idée de sécurisation des emplois, que les communistes ont misen avant pour avancer vers une sécurité d'emploi ou de formation. C'est aussi l'idée de sécurité sociale professionnelle de la CGT, dont la formule est reprise par Ségolène Royal et celle de sécurisation des parcours professionnels dans tous les syndicats et jusqu'à sa reprise démagogique par Sarkozy.

Pour une loi de sécurisation sociale de l'emploi et de la formation nous proposons d'abord de débattre des principes, contrats et statuts, avant de considérer les pouvoirs, institutions et moyens dans les autres parties d'un projet de loi possible.

PREMIÈRE PARTIE : DE NOUVEAUX  PRINCIPES DU DROIT DU TRAVAIL

Nous visons une réorientation,  un basculement des principes : pour passer de la précarité qui a toujours existé, mais qui est exacerbée aujourd'hui, à une sécurisation, bien au-delà des protections de droit déjà conquises, pour éradiquer graduellement le chômage et la précarité.

Au moins quatre principes nouveaux :

PREMIER PRINCIPE : sécurisation  pour avancer vers une sécurité d'emploi ou de formation

Un système de sécurité d'emploi ou de formation – avec une sécurité d'activités professionnelles, soit emploi, soit forma- tion, pour chacun, avec des rotations emploi/formation  et une mobilité de promotion – ne peut être instaurée immédia- tement. Mais les droits nouveaux pour un processus de sécurisation immédiat, peuvent viser à progresser vers ce système.

Il s'agit de :

● remplacer, de plus en plus, le passage par la case chômage

par des mesures contre les contrats précaires et des licen- ciements,

● un essor considérable des activités de formation, longue et bien rémunérée, avec des débouchés en emplois,

● des créations nouvelles massives d'emplois.

DEUXIÈME  PRINCIPE  : droits de sécurité attachés à la personne et pouvoirs collectifs. Statut de sécurisation et de promotion des travailleurs.

● Des  droits nouveaux à une sécurisation des activités

professionnelles peuvent concerner : un accroissement graduel de la formation continue rémunérée, des droits grandissants pour des contrats maintenus dans l'entreprise ou au moins passant d'une entreprise à une autre, etc. Ils seraient attachés à chaque personne et non limités à la durée du contrat avec une entreprise. Ils s'articuleraient à de nouveaux pouvoirs individuels et collectifs pour faire appli- quer ces droits.

● Cela passera  par l’affiliation personnelle de chaque rési- dent, à partir de la fin de l'obligation  scolaire, à un service public et social de sécurisation de l'emploi et de la formation, par des pouvoirs nouveaux des travailleurs dans les entre- prises, des conférences régionales et nationale annuelles sur l'emploi et la formation,

● Cela définira  un statut nouveau des travailleurs.

TROISIÈME  PRINCIPE  : dans les négociations d'entreprises : pas de régression, mais des améliorations pour les travailleurs,

par rapport aux conventions de branche et par rapport aux lois (auxquelles les conventions ne peuvent également apporter des reculs) pour les travailleurs.

Cela, à l'opposé de diverses dispositions législatives et notamment de la loi de 2004 sur le dialogue social.

QUATRIÈME PRINCIPE : sécurisation de tous les moments de la vie professionnelle. Mesures radicales contre les discriminations.

Il s'agit de mesures pour les deux extrémités du parcours professionnel : l'entrée dans l'emploi des jeunes, les fins de carrière.  Cela peut concerner un pourcentage obligatoire dans les entreprises de jeunes et des contrats pour les jeunes à durée indéterminée et à temps plein, mais avec des soutiens spécifiques, pour la formation, un tutorat, le loge- ment, etc. Cela peut concerner des pénalisations contre les licenciements  des seniors, des services et des forma- tions particulière pour les travailleurs  âgés. Il faut aussi non seulement des pénalisations  mais aussi des mesures spéciales pour les autres discriminations : femmes, jeunes des banlieues, travailleurs  issus de l'immigration, depuis des crèches jusqu'à un accès particulièrement aménagé à des formations de longue durée.

DEUXIÈME PARTIE: SÉCURISATION DES CONTRATS  DE TRAVAIL  ET STATUT DES TRAVAILLEURS

Ici aussi nous visons un basculement.

En effet, alors qu'il est mis si fortement en cause, le droit du travail avait attribué progressivement  des protections et des droits contre les risques de rupture des contrats et les abus de licenciements, ainsi que sur les conditions de travail, sans pour autant supprimer la non stabilité fondamentale et dominante. Il y avait donc déjà un certain statut de fait des salariés.

Mais serions placés, de nos jours, face à une alternative radicale :

● d'un côté, dans la pratique et dans le droit, la montée des ruptures de contrats, des contrats précaires et atypiques : CDD éventuellement  très courts, intérim, temps partiels contraints, contrats aidés précaires, ainsi que le projet d'aller plus loin encore avec le contrat unique de Sarkozy.

● d'un autre côté, monte la critique et les aspirations à des mesures, allant bien au-delà des protections  limitées anté- rieures pour des protections radicales grandissantes jusqu'à la sécurisation complète des contrats et des activités, avec un statut explicite de sécurisation et de promotion des travailleurs.

Cela conduit dans l'immédiat, à proposer cinq points sur les contrats :

1. le CDI comme norme désormais obligatoire, des contrats, son renforcement et sa sécurisation.

Le contrat de nouvelles embauches (CNE) et le contrat senior seront abrogés.

Le CDI est renforcé notamment par l'obligation d'être écrit pour ses clauses principales. Il est inséré dans un parcours de sécurisation par l’affiliation automatique de chaque rési- dent à un service public et social de sécurisation de l'emploi et de la formation, et par un nouveau statut explicite.

2. Conversation des contrats précaires, à temps partiels et atypiques en CDI sécurisés à temps plein.

Les CDD doivent être convertis : avec un plafond maximum graduellement réduit suivant les branches, pour aller très vite vers 3 ou 5 %, avec une pénalisation forte par l'augmentation des prélèvements chômage et formation.

Le recours à l'intérim sera graduellement réduit, puis stric- tement limité, tandis que des « groupes de remplacement » devront être mis en place dans les grandes entreprises. Un plan de conversion des emplois à temps partiels contraints, notamment dans la grande distribution et aussi des emplois aidés, en emploi à temps plein, pouvant  inclure un temps de formation rémunérée.

3. Egalité pour les travailleurs de la sous-traitance :

Des salaires, conditions de travail, garanties contre les licenciements, etc. pour les salariés des entreprises  sous-traitantes, inférieurs à ceux des travailleurs  en contrat avec les donneurs d'ordres, seront interdits. Tous les travailleurs employés sur le même site seront dotés des mêmes droits.

4. Nouveau contrat de pluriactivité et de sécurisation emploi-formation

On instaurera des incitations fiscales et du crédit à de nouveaux groupements d'employeurs ainsi qu'avec des organismes de formation dans une même branche d'activité, un même secteur géographique.

En relation avec ces nouveaux groupements, de nouveaux contrats de pluriactivité professionnelle et de sécurisation emploi-formation seront instaurés, expérimentés et développés. Ils seront maintenus avec le passage des travailleurs concernés d'une entreprise à une autre, ou d'une entreprise à une institution de formation continue, jusqu'à un retour à un nouvel emploi.

Je souligne,  sans avoir  le temps de les traiter précisément, l'importance des dispositifs contre les discriminations,  sur l'augmentation générale des salaires, depuis le SMIC à 1500 euros brut, les conditions de travail, la généralisation des 35 heures sans insuffisance des salaires, le remplacement des retraités sous le contrôle des élus du personnel dans les entreprises comme dans les services publics.

5. Enfin, pour finir, quelques indications sur le statut de sécurisation et de promotion des travailleurs.

Nos propositions vont dans le même sens que le statut du travail salarié de la CGT, avec cependant des différences. En effet, nous voulons commencer à avancer, au-delà de la subordination du salariat du Code du travail, en traitant d'un nouveau statut des entreprises et aussi des rapports aux banques, à l'opposé de la domination  des actionnaires et du marché financier. Nous proposons également, avec la mutualisation des financements, une formation continue de plus en plus allongée, comme activité rémunérée pour se développer soi-même et non comme activité pour autrui contre un salaire.

Ce statut, à développer, impliquera, dans l'immédiat,

6 éléments :

1. Des avancées de la sécurisation des parcours professionnels, avec des rotations emploi/formation/emploi.

2. Un droit à la formation continue rémunérée, longue et accrue d'année en année.

3. Des pouvoirs de propositions alternatives sur les décisions de gestion des entreprises, non seulement sur les conditions de travail, l'emploi ou la formation, mais sur toute la gestion.

4. Un droit de saisine individuelle et collective du Fonds national et des Fonds régionaux de prise en charge des intérêts des crédits aux investissements d'autant plus abaissés que seront programmés emplois et formations.

5. Des pouvoirs, considérablement étendus, pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences avant toute difficulté, contre les licenciements, pour de bons reclassements pour tous.

6. Des droits de participation personnelle et par des représentants, aux conférences annuelles, régionales et nationale, sur l'emploi et la formation.

Tout cela s'articulerait, bien sûr, à tous les éléments sur les droits et pouvoirs, les institutions, les moyens financiers des autres parties de la loi. Et toute la loi n'a de portée que si elle est utilisée pour les luttes, tandis que les luttes pourraient la réclamer d'abord puis la faire évoluer.

Commission européenne : atlantisme et ultralibéralisme toujours

le 01 December 2006

Commission européenne : atlantisme et ultralibéralisme toujours

La présidence allemande ou la tentation atlantique L’Allemagne et sa Chancelière Angela Merkel viennent de prendre, pour six mois, les rènes de la présidence de l’Union européenne. Lorsqu’on évoque la présidence allemande, on focalise souvent sur le devenir du traité constitutionnel ou sur les enjeux énergétiques de la relation Europe-Russie, en oubliant un peu rapidement la question du commerce international et de la panne du cycle de Doha de l’OMC.
Or s’il y a une question qui fait consensus dans la grande coalition dirigée par Angela Merkel, c’est bien le projet de mettre en place un marché unique transatlantique. Cette vieille idée d’une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne a du être longuement évoquée lors du voyage du 4 janvier d’Angela Merkel en Amérique.
Jusqu’ici la Commission européenne était réticente à ce type d’accords bilatéraux préférant donner la priorité au multilatéralisme. Mais, dans le même temps, le commissaire européen au commerce international, Peter Mandelson multiplie les rencontres aux Etats-Unis pour tenter de débloquer le cycle de l’OMC de Doha.
Rappelons que l’objectif du cycle de Doha était d’avancer encore plus loin dans la libéralisation des échanges : Il s’agissait d’obtenir dans tous les pays membres de l’OMC, l’ouverture presque totale des marchés des services et des biens manufacturés contre l’ouverture des marchés agricoles de l’Union européenne et des Etats-Unis.
Une telle ouverture impliquait à terme l’abandon de la plupart des subventions américaines à l’agriculture et une baisse drastique des droits de douane européens sur les produits agricoles.
Le refus des Etats-Unis de toucher à leur subventions agricoles a fait capoter les négociations.
C’est pourquoi, Peter Mandelson tente d’obtenir un accord avec les Etats-Unis en faisant de nouvelles offres de baisses des droits de douane européens, et cela en se souciant aucunement de l’avenir de l’agriculture européenne.
On peut craindre que les Etats-Unis acceptent les propositions de Mandelson si elles se conjuguent avec la création d’un marché unique transatlantique. Ce qui aurait pour effet de lever les objections de la Commission européenne sur le bilatéralisme. Un tel accord sur le cycle de Doha et la création d’une zone de libre échange transatlantique, dans le contexte actuel de faiblesse du dollar, aurait des conséquences catastrophiques pour l’avenir de l’industrie et de l’agriculture française.

Lorsque les propositions sur l’Energie de la Commission envoie droit dans le mur l’Europe
La Commission européenne, confirme sa stratégie en la matière. Elle persévère dogmatiquement dans la voie de la séparation totale entre activités de production et réseaux de distribution de l’énergie. Si les intentions de la Commission européenne devenaient réalité, cela signifierait concrètement le démantèlement et la vente par appartements d’EDF et de GDF.

Cette prise de position s’inscrit dans un processus voulu par la Commission et ratifié par les gouvernements des Etats membres, qui vise à soumettre tout le secteur énergétique aux uniques lois du marché et de la mise en concurrence de tous contre tous. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, elle conduira notre pays et l’Union européenne à une catastrophe d’ampleur supérieure à celle qu’a connue la Californie en l’an 2000.
Cette politique est mauvaise pour les usagers, pour les salariés du secteur, pour les PME/PMI, pour l’emploi, pour la sécurité et pour l’environnement. Le marché et le secteur privé sont incapables de répondre aux besoins énergétiques des peuples européens, aux défis que constituent le réchauffement climatique et l’après énergies fossiles. Leurs objectifs sont de rétribuer au maximum les actionnaires et non de répondre à l’intérêt général. Nous avons besoin d’une véritable Europe de l’énergie mais elle ne pourra se construire que sur la base de la coopération et non celle des marchés financiers.
Certes la Commission européenne, après avoir favorisé les centrales thermiques au mépris de la lutte contre l’effet de serre encourage maintenant du bout des lèvres le nucléaire.
Il est vrai que la donne a changé et que le temps où l’on pouvait, en toute impunité et à bas prix, piller les ressources en gaz et en pétrole de la Russie, est révolu (2).
Cependant le choix du nucléaire ne peut être pertinent et sûr pour l’Europe que si toute la filière nucléaire est et reste sous responsabilité et contrôle publique.
Le fait que la Commission européenne comme le Conseil, au nom de la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Europe, remettent en cause le principe du droit des peuples a disposer de leurs ressources naturelles, est aussi dangereux que scandaleux.
Il est normal que la Russie, comme la Bolivie ou le Venezuela ou n’importe quel autre pays du monde, puisse exercer pleinement sa souveraineté en matière de maîtrise de ses ressources natu-
relles quelles soient gazières, pétrolières ou autres. ■

3e paquet ferroviaire :

le  pire  est  pour  l’instant    évité
Le Parlement européen a adopté le 18 janvier le 3e paquet ferroviaire (1). Mais, grâce à l’action déterminée des syndicats ferroviaires européens et à la résistance d’un certain nombre de députés européens (en particulier ceux du groupe GUE/NGL), la parlement n’a pas suivit sa commission des transports qui voulait fixer à 2017 la date d’ouverture à la concurrence du trafic intérieur de passagers. Par contre, le trafic ferroviaire international de passagers sera malheureusement libéralisé dès 2010.
Ce 3e paquet ferroviaire, comme les deux autres paquets, reste inscrit dans une logique de mise en concurrence et de dérégulation. La mise en application de cette logique débouchera immanquablement sur une dégradation de la sécurité, des conditions de travail et du service rendu au public.
L’Europe du rail a besoin de coopérations et de partages des coûts entre tous les acteurs du ferroviaire, et non d’une concurrence de tous contre tous. ■

Les paquets ferroviaires sont les directives et les règlements devant régir les transports ferroviaires sur l’ensemble de l’Union européenne.
C’est cette stratégie de prédateur des ressources naturelles d’autrui, mis en œuvre par les sociaux démocrates et les verts allemands qui a permis à l’Allemagne de « sortir du nucléaire ».

 

Pouvoir et démocratie à l’entreprise

Par Ivorra Pierre , le 30 November 2006

Pouvoir et démocratie  à l’entreprise

Peut-il exister une démocratie, un fonctionnement démocratique, une citoyenneté du salarié dans le monde de l’entreprise, et surtout de l’entreprise privée telle qu’elle est aujourd’hui sous l’emprise du rendement actionnarial exigé par les propriétaires du capital financier ?

L’entreprise, pour le MEDEF, ce sont les patrons. A l’opposé de cette vision élitiste et discriminatoire, nous considérons que l’entreprise est une communauté humaine où il y a d’bord des salariés.

Pouvoir et démocratie à l’entreprise : Deux questions viennent immédiatement à l’esprit :

  • Dans ce monde en mutation accélérée, l’entreprise reste-t-elle un lieu pertinent de pouvoir, a-t-on prise sur le réel à partir de l’entreprise, et si c’est le cas, les salariés peuvent-ils, à partir de là, changer leur condition ?
  • Deuxième question : quel(s) type(s) de pouvoir(s) et de démocratie peuvent permettre de sortir de ces difficultés en prenant en compte les nouvelles réalités de nos sociétés telles que la révolution informationnelle, les changements démographiques, la puissance des marchés financiers, la montée des processus d’individualisation, les mutations du travail etc.

Et pour quoi faire ?

La réflexion sur le pouvoir et la démocratie à l’entreprise doit ainsi permettre d’aller bien au-delà de la question, si importante soit-elle, des licenciements pour poser celles des décisions d’investissement en amont des licenciements, des choix des gestions des directions. Mais aussi de se demander : à quoi sert de produire des richesses, pour qui et comment ?

L’entreprise est-elle encore un lieu pertinent de pouvoir ?

L’internationalisation du capitalisme français

Dans une société où les marchés financiers dictent leur loi, y compris à l’entreprise, la volonté de conquérir de nouveaux pouvoirs pour les salariés dans l’entreprise et dans les groupes risque d’apparaître comme une course vaine après un leurre. D’importants changements placent l’entreprise sous toute une série de contraintes et il y a des formes d’éclatement des pouvoirs avec l’émergence de multiples institutions nouvelles, internationales souvent, dont les décisions ont un impact sur sa vie et sur lesquelles elle n’a pas forcément prise. Avec la montée en puissance des marchés financiers est-il encore possible, comme salarié d’intervenir sur les choix de gestion ?

Le premier constat que l’on peut faire est que les lieux de décision majeurs semblent s’être éloignés de l’entreprise. A la fin des années 90, François Morin pouvait écrire (1) : « Le modèle actionnarial des plus grands groupes français connaît aujourd’hui une rupture brutale. Par rapport à des configurations antérieures où l’Etat d’abord, puis le système de participations croisées ensuite, étaient au centre des rapports capitalistiques, le nouveau rapport actionnarial qui se met en place aujourd’hui obéit à des normes tout à fait différentes du modèle précédent », et il concluait en ces termes : « L’économie française est en train de réaliser un passage extrêmement rapide d’une « économie de cœur financier » vers un économie de « marché financier ». Ses macro-circuits de financement étaient jusqu’à présent organisés non pas principalement par le jeu du marché, mais par le jeu d’acteurs organisés en grands systèmes d’alliances. Cette économie de cœur financier est actuellement en train de se dissoudre au profit d’une nouvelle logique, celle d’une économie de marché financier ». Cela se traduit notamment par une présence accrue d’investisseurs institutionnels étrangers dans le capital français. C’est là la première justification de notre interrogation sur les possibilités de gagner de réels pouvoirs au sein de l’entreprise.

Si l’on examine les sociétés du CAC 40, il y a une évolution rapide et très importante. En 1997, leur capital était détenu pour un tiers par des sociétés étrangères, en 2003, on en est à 44%. Autres exemples : 45 % du capital de la BNP est contrôlé par des investisseurs étrangers, le Crédit Lyonnais: 34%, la Société Générale: 50%, AXA: 46%, Total-Elf: 65%, Aventis :60%, Lafarge: 58,5%.

 

Tableau : voir le PDF.

Ces investisseurs étrangers sont pour l’essentiel des investisseurs institutionnels, des fonds d’investissement, des fonds de pension, anglo-saxons pour une bonne partie. Selon une estimation faite par une étude de la Banque de France, à fin 2003, les détenteurs d’actions des entreprises du CAC 40 seraient à 17,6 % issus de la zone euro, à 13,1 % des Etats-Unis, à 6,5 % du Royaume-Uni.

A entendre les chroniques de certains économistes dans les médias, on croirait que la France est un pays isolé ayant peur de l’extérieur, se repliant sur lui-même. Il s’agit plutôt de l’un des pays les plus ouverts aux investisseurs internationaux. Si l’on considère les entreprises cotées en Bourse, le taux de détention de leur capital par les investisseurs étrangers était en 2001 de 36% en France (27% pour l’ensemble des entreprises), 25% en Allemagne, 12% au Japon, 22% au Royaume Uni, et …11,5% aux Etats-Unis, soit trois fois moins dans le pays prétendument de la libre entreprise qu’en France !

On cerne ainsi le contexte au sein duquel se pose la question du pouvoir à l’entreprise. Quels sont les effets de ces évolutions ?

Prenons l’exemple du numéro un mondial du BTP et des services associés, VINCI. Ce groupe français, très présent dans l’Hexagone et en Europe mobilise une part très importante de ses moyens pour faire de la croissance externe, c’est-à-dire pour racheter du chiffre d’affaire en prenant le contrôle d’entreprises en France et à l’étranger. Cette croissance externe a connu en 2006 un essor considérable avec l’acquisition de la première société française d’autoroutes, AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF), privatisée par la droite.

Pourquoi une telle opération ? Parce que cela assure à VINCI des sorties de résultats considérables, dix à vingt fois supérieures à ceux du BTP classique. Parce que ces sociétés d’autoroute « crachent » du dividende !

Et VINCI a besoin de dividendes pour rémunérer ses actionnaires internationaux. Comme le montre le graphique cidessous, si l’on tient compte du fait qu’une partie des actionnaires individuels sont des non-résidents, environ la moitié du capital de VINCI est contrôlé par des investisseurs étrangers. Le groupe est devenu une proie facile pour des raiders.

Cette situation est l’aboutissement d’une évolution entamée par le désengagement de SUEZ et de la GENERALE DES EAUX de leurs filiales BTP, fusionnées pour former le groupe VINCI, dans le prolongement des mouvements de privatisation engagés par la droite et le Parti socialiste.

Répartition du capital de Vinci (voir le PDF)

Ce souci d’augmenter chaque année les dividendes de 10 à 15% et d’avoir des titres sans cesse à la hausse a des conséquences sur les conditions de travail des salariés. Qui doit « cracher du résultat » si ce ne sont les salariés ! Cela se traduit par une augmentation de la productivité apparente du travail, le développement de l’intérim et de la sous-traitance dans les activités jugées moins rentables, par une course assez continue à la croissance externe.

Alors quels pouvoirs dans l’entreprise ? Les élus salariés, se posent évidemment la question : que faire pour contrebalancer la puissance de ces investisseurs nationaux et internationaux qui dictent leur loi ?

Des lieux de décision institutionnels qui s’éloignent de l’entreprise

La deuxième raison qui justifie l’interrogation sur la pertinence de l’entreprise comme lieu de pouvoir possible pour les salariés, c’est l’internationalisation des lieux de décision institutionnels : par exemple, la construction d’ensembles régionaux comme l’Union Européenne, la création d’institutions telle que l’OMC, le rôle croissant de la banque mondiale, du FMI etc. Ainsi, quand la banque fédérale américaine prend des décisions contribuant à baisser le cours du dollar, cela a un impact direct sur les entreprises françaises. Les comptes de nombre d’entreprises françaises fluctuent avec le cours de la monnaie américaine.

L’AGENCE FRANCE PRESSE est dans ce cas. L’AFP a une situation très particulière dans la mesure où le cours du dollar a plus d’effet sur ses charges que sur ses produits. Elle a relativement peu de clients en dollar, mais comme elle a un réseau mondial, une part importante de ses salariés travaillent dans la zone dollar, aussi, quand le billet vert baisse, comme c’est le cas depuis quelques années, elle perd un peu en chiffre d’affaire mais elle économise beaucoup sur ses charges. En cas de retournement et de hausse de la monnaie américaine, l’effet sera évidemment inverse et impactera durement les comptes de l’Agence.

Les effets des variations du cours du dollar peuvent être redoutables pour des entreprises mondialisées, or ces évolutions relèvent des marchés financiers, de la banque fédérale, du gouvernement des Etats-Unis, de différentes institutions monétaires nationales (chinoises, notamment) et internationales.

Le rôle nouveau du « hors travail »

La troisième raison qui pousse à s’interroger sur le pouvoir possible à l’entreprise, c’est le rôle nouveau du « hors travail », y compris dans la sphère du travail. Dans la révolution informationnelle qui commence, ce qui compte le plus, c’est la capacité des hommes et de leurs organisations à partager utilement les informations. L’efficacité économique passe bien plus que par le passé par la qualité du travail vivant, plutôt que par l’accumulation accélérée du travail mort, de machines. D’où l’importance nouvelle des activités hors travail qui contribuent au développement humain : la culture, la formation, la créativité sociale, la santé tout simplement. Ce sont toutes-là des activités mutualisées, extérieures à l’entreprise mais qui ont un impact sur la vie de l’entreprise. Le monde est donc plus complexe, manifestement.

L’entreprise et la « main aveugle » du marché

L’entreprise terreau privilégié de la financiarisation

Ne faut-il pas cependant aborder autrement la question de l’entreprise et des pouvoirs ? Ces mutations, ces transformations évoquées, l’entreprise y est pour quelque chose, contrairement à ce qu’on pourrait en penser. On parle des marchés financiers, mais qu’y a t-il derrière leur « main aveugle » ? Des fonds de pensions ? Mais que sont ces fonds de pensions ? Des organismes qui recueillent l’épargne des salariés, des travailleurs des entreprises. Qui sont les autres intervenants sur les marchés financiers ?

  • Les banques : les fonds d’investissement sont souvent des filiales de banque, et il y a des salariés dans les banques !
  • Les groupes. Ainsi Renault a une filiale en Suisse, Renault Finance, qui est un intervenant important sur les marchés financiers, qui couvre les opérations en dollar du groupe en achetant du yen, qui couvre les opérations en yen en achetant de l’euro etc., qui manipule des sommes considérables.

Ces marchés financiers ne sont pas des forces occultes qui décideraient mystérieusement de la vie des gens. Ils ont certes une puissance considérable, mais d’où leur vientelle ? Pour une grande partie de l’entreprise.

Si on va plus loin, le développement de la finance est lié à la crise de longue durée du capitalisme. Cette crise part de l’activité à l’entreprise. Toutes les périodes où il y a eu un développement de la finance et de la Bourse étaient des périodes de crises. En effet, le développement de la finance intervient quand le capital subit une crise de rentabilité, elle est alors un moyen pour essayer de relever ce taux de rentabilité (2). « Réaction à la suraccumulation de capital matériel », cette hypertrophie financière se nourrit des décisions individuelles des capitalistes qui chacun de leur côté tentent de tirer leur épingle du jeu en relevant leur propre taux de profit.

Il faut de ce point de vue écarter le cliché qui présenterait la financiarisation comme une perversion d’un réel virginal. Le développement du cancer tire sa source de la crise d’un réel en proie à des contradictions considérables et des cercles vicieux récurrents.

L’internationalisation des groupes français a favorisé la montée des investisseurs internationaux dans leur capital

La rupture des participations croisées et des systèmes d’alliances entre groupes financiers et groupes industriels et de services du capitalisme français, constatée par François Morin, a été en grande partie consommée du fait de l’extraversion accélérée de ces groupes, de leur internationalisation et leur financiarisation croissante, rythmée par des opérations de croissance externe, des fusions-acquisitions hors des frontières, en Europe surtout et particulièrement, dans la dernière période, dans l’Est européen.

Les données publiées par la Banque de France (cf. graphiques ci-après) montrent d’une part la forte croissance des investissements directs français à l’étranger entre 1996 et 2002 et d’autre part, à l’inverse la forte progression des investissements de portefeuille des étrangers en France à partir également de 1996 (second graphique) : il y a un lien entre l’internationalisation du capitalisme français et la montée des investisseurs internationaux dans le capital des grands groupes français.

 

Graphiques (voir PDF)

Dans ce sens, la Bourse apparaît davantage comme un organisme de prédation de ressources que comme un moyen de financement de l’économie.

Une entreprise qui veut se financer sur les marchés financiers peut actuellement le faire de plusieurs façons.

  • Soit en mettant en vente des actions. Elle permet, contre paiement, à des actionnaires de prendre une partie du capital et, en échange, celle-ci s’engage à les intéresser aux résultats de l’entreprise. Le financement : c’est l’achat d’actions, et le revenu procuré à l’actionnaire : ce sont les dividendes ainsi que les plus values réalisées avec leur vente.
  • Soit par le biais de grands emprunts internationaux : on prête de l’argent à l’entreprise et celle-ci paie en échange un intérêt et rembourse au final la somme prêtée.

Au total, Le développement des marchés financiers n’est pas un signe de la toute puissance du capitalisme. Il est plutôt l’expression de sa crise structurelle.

Une crise inédite marquée par les débuts de la révolution informationnelle

 

Le rôle nouveau du développement humain contrecarré par la rentabilité financière

 Cependant, nous sommes aujourd’hui confrontés à une crise inédite. Il y évidemment des aspects qu’on retrouve dans les crises précédentes, le capitalisme depuis le 19ème siècle ayant connu toute une série « d’éruptions » plus ou moins volcaniques. Les grandes périodes du mouvement social, y compris celle de la Commune de Paris, ont toujours été liées d’ailleurs à des phases de crises du capitalisme. Mais la crise que nous traversons a un côté inédit, elle intervient dans le contexte tout à fait nouveau d’une révolution informationnelle avec des prémisses de changements de civilisation. Cette révolution informationnelle change beaucoup de choses, elle permet notamment, grâce aux nouvelles technologies, un développement sans précédent des marchés financiers.

Qu’est-ce donc que cette révolution informationnelle ? Elle se caractérise comme une révolution technologique d’ensemble touchant tous les domaines de la vie humaine. Elle tient au fait que toute une série d’activités du cerveau peuvent être aujourd’hui exercées par les machines. Ce qui a un effet très concret : les activités de connaissance ont un rôle nouveau dans les relations humaines, dans la vie économique et dans les entreprises. Un des facteurs essentiel de développement et de croissance n’est plus la seule accumulation des machines, le facteur le plus déterminant devient le développement humain.

Cela contredit évidemment les thèses de ceux qui font de la baisse du coût du travail l’alpha et l’oméga de l’efficacité économique et qui affirment qu’il faut produire là où les coûts salariaux sont les moins chers.

Dans cette optique, on comprend mal que les pays le plus développés soient les pays où les gens sont les plus instruits et les mieux soignés ! Les pays qui tiennent le haut du pavé au point de vue de la puissance économique, ce ne sont ni le Bengladesh, ni la Tunisie. Si la Chine tend à s’affirmer comme l’un des premiers acteurs mondiaux c’est en raison d’une évolution économique très contrastée, avec à la fois une tendance à l’accélération du développement humain et, en parallèle, un affaissement brutal de certaines protections. Les pays qui dominent les relations économiques mondiales sont ceux qui maîtrisent le mieux les nouvelles technologies. Il n’est pas possible qu’on puisse de nos jours atteindre un haut niveau de développement économique sans formation des hommes.

La révolution informationnelle appelle des développements humains mais en même temps elle facilite les opérations financières à travers le monde. Selon ce qu’on en fait, elle peut donc être la pire ou la meilleure des choses !

Un besoin de partage pour une efficacité nouvelle

Quand on atteint ce stade dans les activités humaines où la connaissance joue le rôle prioritaire, quels peuvent en être les effets ? Arrêtons nous un instant sur l’exemple suivant : si je donne ma montre à mon voisin, je ne l’ai évidemment plus, mais par contre, si je lui donne une idée, cette idée, je la garde. Mon voisin peut à son tour la donner à un autre tout en la gardant. Il en est ainsi par exemple de la connaissance d’une molécule qui permet de guérir le cancer, le découvreur peut la partager avec d’autres tout en la gardant entière pour soi, et demander ensuite en retour le partage des coûts d’une recherche-développement, mais ce partage permet des économies formidables ! (le découvreur pourrait aussi vendre ses connaissances et alors...).

On peut mesurer la différence. Le capitalisme s’est développé jusque là sur la base de la machine, de l’accumulation de machines : l’argent pour plus de machines et plus de machines pour encore plus d’argent. Ainsi, pour prêter de l’argent, un banquier sera plus facilement rassuré si son interlocuteur est un industriel qui dispose d’installations importantes, de machines, d’entrepôts, d’immeubles. Il sera plus tatillon s’il s’agit d’un créateur qui n’a pas de machines, pas de biens matériels susceptibles d’offrir une garantie. Sur quoi hypothéquer les idées du créateur, que valent-elles ?

Reprenons l’exemple de la montre. Si je cède le brevet de la montre à mon voisin, celui-ci, pour fabriquer des montres devra acheter des machines, si je lui cède le brevet de la molécule, il devra acheter des machines pour fabriquer des médicaments mais il ne devra pas faire toutes les recherches pour retrouver la molécule, ce qui de loin coûte le plus cher.

Le capitalisme face à cela voit s’offrir à lui des possibilités de domination sans précédent mais s’il veut dominer son voisin il doit développer les ressources humaines, ce qui lui coûte. D’où des contradictions, des cercles vicieux.

Avec cette révolution informationnelle qui fait du développement humain le facteur primordial pour le développement des sociétés il y a une source inédite de pouvoir pour les salariés dans l’entreprise.

Quel type de pouvoir et de démocratie à l’entreprise, et pour quoi faire ?

Droits d’intervention et enjeux de transformation sociale Le patronat, la droite, le Parti socialiste ne sont pas indifférents à cette question des pouvoirs à l’entreprise. Les deux premiers l’abordent essentiellement au travers de l’actionnariat et de la problématique de la bonne gouvernance, du contrôle des dirigeants par les actionnaires. Le troisième, a tendance à séparer l’intervention des salariés dans la gestion des enjeux de transformation sociale.

De fait, le système de démocratie sociale actuel est en crise. Ainsi, dans le BTP, dans certaines entreprises, l’intérim représente 30 % des dépenses de personnel. Quels droits ont les intérimaires sur la vie de l’entreprise ? Aucun. Mais au-delà, dans les entreprises de moins de 5 salariés (il y en a beaucoup), 4 salariés sur dix y sont soit à temps partiel, soit en contrat à durée déterminée, soit en emploi aidé. Pouvoir intervenir sur la gestion des très petites entreprises n’est déjà pas évident pour leurs salariés, mais que dire des précaires ?

Les forces de transformation sociales en France se sont beaucoup appuyées sur les grandes entreprises, sur les entreprises publiques, sur la fonction publique qui ont été le fer de lance des transformations sociales. Les très grandes entreprises ne sont plus aussi nombreuses, nombre d’activités sont sous-traitées, filialisées. La question des droits et pouvoirs ne se pose plus dans les mêmes termes. Cela souligne en même temps que l’on ne peut séparer ces questions des droits et pouvoirs de ce pourquoi on les revendique : l’éradication du chômage et de la précarité, la sécurisation de l’emploi, de la formation et de l’ensemble de la vie.

Nouveaux pouvoirs et maîtrise de l’utilisation de l’argent Cette ambition va plus loin que la seule amélioration des droits et statuts des travailleurs, si importante soit elle. La création de nouvelles institutions, allant au-delà du cadre limité de l’entreprise isolée, en concurrence avec les autres ou les dominant, d’institutions mutualisant les objectifs et les moyens, développant des réseaux de coopération, doit viser à dépasser la séparation entre employés et employeurs, capitalistes ou étatiques, qui eux « disposent des moyens de financement ainsi que des pouvoirs exclusifs de création d’emplois, d’embauche ou de débauche et de licenciement (3) » pour aller vers une autogestion de la société par elle-même.

Le projet est autrement plus audacieux que la simple interdiction de licencier puisqu’il s’agit de donner la possibilité à tous ceux qui veulent travailler de disposer d’un bon emploi ou d’une bonne formation, et dans l’un et l’autre cas, d’un bon revenu. Cela permettrait de créer une mobilité des salariés en lien avec les évolutions technologiques, les besoins sociaux, sans que le départ de l’emploi conduise au chômage, la mise en formation succédant à l’emploi.

On comprendra qu’il n’est pas possible d’instituer une telle mobilité de progrès, excluant le chômage et la précarité, sans maîtrise des moyens de financement, de l’argent. On oublie trop souvent que le capitalisme, c’est d’abord la maîtrise de l’argent. Il faut se rappeler le fameux cycle défini par Marx : argent-marchandise-argent ou A-M-A’. Le capitaliste a un capital A, il achète des marchandises M, non pour les consommer mais pour obtenir une plus grande quantité d’argent : A’. Va-t-on laisser les capitalistes décider seuls de l’utilisation de cet alphabet ?

Le salarié dans sa relation avec le capitaliste qui l’emploie, vend sa force de travail à quelqu’un qui est certes propriétaire de moyens de production mais qui, surtout, possède de l’argent constitué en capital pour la production, notamment pour payer les salaires.

Il s’agit donc au bout du compte, avec le projet de sécurité d’emploi et de formation, à la fois d’améliorer sensiblement la situation des travailleurs et des populations et de mettre en cause le droit divin, individuel et collectif, des employeurs sur la gestion des équipements, de la main d’œuvre, des ressources et les modalités de financement. Une telle transformation des relations sociales conduirait à dépasser la condition de salarié. On serait en effet payé sans pour autant occuper un emploi, simplement en suivant une formation, et en même temps on pourrait être bien plus qu’un simple vendeur de sa force de travail en commençant à assurer des fonctions de gestion jusqu’à présent réservées aux dirigeants capitalistes.

L’entreprise et la démocratie participative

La démocratie représentative actuelle est en crise. Pour  surmonter celle-ci, il ne suffira pas d’engager des expériences de démocratie participative au sein des territoires en ignorant l’entreprise.

Ne peut-on pas engager de véritables expériences de démocratie participative et d’intervention populaire autonome avec les salariés d’entreprises, de bassins d’emploi ? La réalisation de telles expériences donnerait un tout autre contenu à la participation citoyenne et à la démocratie dans toute la société.

Il y a des tentatives de réflexion sur le sujet. Par exemple l’économiste Thomas Coutrot propose d’ouvrir les comités d’entreprise à des intervenants extérieurs qui seraient des consultants n’ayant pas le pouvoir de décision. Il y a évidemment nécessité d’aménager des passerelles entre l’entreprise et des activités qui lui sont à la fois extérieures et indispensables (institutions de formation, sous-traitants,…) afin de favoriser des co-décisions auxquelles les salariés et leurs représentants, mais aussi les populations concernées pourraient participer en toute autonomie.

Si l’on enferme l’entreprise sur elle-même, la partie est perdue. Ne serait-il pas nécessaire de mutualiser les expériences des salariés dispersés dans les entreprises d’une zone industrielle ?

Et au delà d’envisager des assemblées communales de comités d’entreprise qui permettraient de réunir les élus et les salariés ?

On peut d’ailleurs se demander si l’un des rôles essentiel et nouveau des élus communistes n’est pas d’agir afin d’aider les salariés et les populations à intervenir dans la gestion des entreprises pour faire reculer la précarité, promouvoir l’emploi de qualité, la formation, ici, en favorisant la réunion d’une table ronde réunissant différents acteurs, privés et publics, afin de trouver une alternative à la fermeture d’une entreprise ; là, en favorisant de véritables programmes d’insertion des populations dans l’emploi, …

Pourquoi ne pas envisager notamment des conférences annuelles des comités d’entreprises des entreprises locales dont le maire, le conseiller général, le député serait à l’initiative ? Sur des thèmes précis : la situation économique des entreprises de la ville, celle de l’emploi, les besoins de formation, les problèmes de financement des entreprises, …

Pour avoir du pouvoir, il faut cependant disposer d’informations. Les services économiques des villes en ont, mais trop souvent elles sont insuffisamment partagées. La Banque de France peut de son côté fournir aux municipalités qui le demandent un audit des entreprises de la commune. Le partage de l’information – les salariés de leur côté ont une connaissance pratique des process de production, des blocages et des gâchis au sein de l’entreprise peut favoriser le débat, y compris le débat contradictoire avec des dirigeants d’entreprise, de construire des alternatives. ■

  • « Le modèle français de détention et de gestion du capital », rapport au ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, 1998.
  • Cf. Paul Boccara, « Cycles longs mutations technologiques et originalité de la crise de structure actuelle », ISSUES, n° 16, 2ème – 3ème trimestres 1983, et Denis Durand, « Un autre crédit est possible », Le Temps des Cerises, 2005.

Paul Boccara, « Une sécurité d’emploi ou de formation », page 2

Charte d'Amiens : 100 ans après, toujours d’actualité

Par Magniadas Jean , Frajerman Laurent, le 01 October 2006

Charte d'Amiens : 100 ans après, toujours d’actualité

Un article PDF, ci-joint, avec Jean Magniadas, syndicaliste et Laurent Frajerman, historien

LesAssises pour l’emploi en 5 actes (1)

Par Paul Boccara, Yves Dimicoli, le 30 September 2006

LesAssises pour l’emploi en 5 actes (1)

Les Assises pourraient être structurées autour de cinq grandes questions traitées à la fois en ateliers, s’il y en a, et en séance plénière. Elles peuvent correspondre à 5 titres d’une proposition de loi de sécurisation sociale de l’emploi et de la formation. Ainsi, on organiserait un débat, croisant ces ensembles de questions à résoudre,  et le recueil  des propositions à partir des luttes et des problèmes précis dans la région et le pays.

I - Quels principes retenir ?

● Aller vers un système de sécurité d’activités professionnelles et de revenus avec des rotations entre emploi et formation : Peut-on partir des revendications des catégories menacées ( jeunes, femmes peu qualifiées, immigrés, licenciables,  CDD..) ?

● Exiger une expansion et une démocratisation de la formation : pour les chômeurs  ? Pour les gens déjà en emplois  ?

Avancer graduellement  mais sûrement : Quels dispositifs supprimer  (CNE, CTP, Contrat  « seniors  »…) ? Quels dispositifs transformer (contrats précaires, contrats aidés, stages…)  ? Quels dispositifs  nouveaux ( autres contrats, autres institutions transformant les services publics de l’emploi et de la formation…) ?

Quelles incitations et obligations pour les entreprises, afin qu’elles réalisent des engagements annuels ? Comment l’Etat et les services publics pourraient-ils contribuer à combler l’écart entre les objectifs chiffrés des Conférences régionales et nationale annuelles et ces engagements d’entreprises ?

II - Quels contrats de travail pour sécuriser au lieu de précariser ?

Transformer  les contrats existants : Renforcer  les CDI ? Convertir emplois précaires, CDD, intérim, temps partiels contraints, contrats aidés en CDI renforcés ? Quelles procédures contre les discriminations de genre, d’origine, d’âge.. Faut-il des discriminations  positives ?

Aller vers de nouveaux contrats : Quel type de contrat pour sécuriser l’entrée des jeunes dans l’emploi ? Ne faut-il pas envisager des contrats de pluri-activités qui permettraient de passer d’une entreprise  à une autre entreprise,  en toute sécurité, ou à une formation pour revenir à l’emploi ?

III - Quelles institutions de sécurisation sociale de l’emploi et de la formation ?

Encadrer une négociation de transformation des conventions sur l’indemnisation  du chômage   : Amélioration substantielle des indemnisations, du public couvert et des conditions du retour à l’emploi au lieu de la culpabilisation des chômeurs, des sanctions abusives et de l’obligation d’accepter n’importe quel emploi.

Un service public et social de sécurisation de l’emploi et de la formation : Au lieu des inscriptions à l’ANPE, couverture universelle par affiliation dés la fin de l’obligation scolaire à un service public et social de sécurisation ( comme pour la Sécu) ? Quels droits nouveaux pour chaque affilié: revenus minima et formation continue minimum progressivement relevés, bilans et aides, progrès statutaires en liaison avec des Conférences annuelles.. ? Quelles articulations entre ANPE, UNEDIC et services publics de la formation continue (AFPA, Education nationale) ? Quels pouvoirs nouveaux de contrôle des affiliés, des syndicats, des associations ?

Des Conférences régionales et nationale annuelles, pour que les salariés et les citoyens interviennent sur les choix avec les syndicats, les associations, les élus, les représentants des entreprises,  des institutions financières, des services publics de l’emploi et de la formation. Ne pourraient-elles pas programmer des transformations  et des créations d’emploi ou de formation, sous forme d’objectifs annuels chiffrés contraignants, après inventaire des besoins ? Comment en contrôler l’exécution ?

IV - Incitations et obligations des entreprises pour sécuriser au lieu de précariser :

● Obligations de pourcentage d’emplois des jeunes ? Sanctions et obligations contre les discriminations ; obligation de transformation d’emplois contre la précarité ; incitations à l’efficacité sociale, droit à des propositions alternatives des salariés,…

● Quels nouveaux développements pour les prélèvements sociaux sur les entreprises (cotisations pour la formation, pénalisations des emplois précaires, assiette des cotisations sociales patronales favorisant l’emploi, les qualifications, les salaires et pénalisant les suppressions d’emploi et les placements financiers…) ?

● Quelle gestion prévisionnelle démocratique des emplois et des compétences avec obligations annuelles de négociations en amont des difficultés éventuelles ? Quelles mesures sur les licenciements, les reclassements, les délocalisations ? Ne faut-il pas des pouvoirs de suspensions des décisions patronales controversés et de propositions alternatives des salariés et de leurs organisations, des Comités d’entreprise  ?

● Peut-on pousser à l’organisation de groupements d’entreprises pour la sécurisation du développement des populations sur tous les territoires et avancer, ce faisant, vers une autre croissance industrielle et des services en des coopérations nouvelles dans les filières, les bassins, les régions et à l’échelle  nationale  ?

V - L’argent pour sécuriser l’emploi et la formation :

Il faut mobiliser autrement tous les fonds : fonds publics, crédit bancaire, argent des entreprises.

Fonds publics  : S’opposer  aux baisses de cotisations sociales patronales. Convertir les 23 milliards d’euros annuels d’argent public qui leur est consacré en un Fonds national de soutien des investissements visant à sécuriser et promouvoir l’emploi et la formation. Ce Fonds prendrait en charge tout ou partie du taux d’intérêt payé par les entreprises aux banques sur leurs crédits à l’investissement, à condition et d’autant plus que celui-ci programmerait d’emplois et de formations.

Crédit, création monétaire, banque : Le Fonds national de sécurisation de l’emploi et de la formation serait régionalisé. Il concourrait à l’émergence de nouvelles relations entre banques et entreprises. Ne faudrait-il pas chercher à développer ce nouveau mécanisme de crédit sur tout le territoire, avec les Conférences régionales et nationale, et jusqu’au niveau  de la BCE avec un pôle public financier ?

Incitations à l’avancée de nouveaux critères d’efficacité sociale dans les entreprises,  notamment  les entreprises publiques : Priorité au développement de toutes les capacités humaines, économie de moyens matériels et financiers avec des propositions  alternatives des salariés, appuyées sur un autre crédit, une autre fiscalité. •

(1) Cf. l’article de Paul Boccara : « Des problèmes et des pistes de solutions pour une proposition de loi de sécurisation de l’emploi et de la formation » Economie et Politique, juillet-août 2006, pp. 25-27.

C.S.I.: quand tous les syndicalistes tentent de se donner la main

Par Robure Michel , le 30 September 2006

C.S.I.: quand tous les syndicalistes tentent de se donner la main

Michel Robure

L’élan créateur de la victoire contre le nazisme avait conduit à la constitution de la Fédération syndicale mondiale. Elle réunissait alors les organisations syndicales de nombreux pays. Les syndicats chrétiens demeurant organisés dans une internationale séparée.

Les manœuvres du gouvernement les Etats-Unis, les appuis qu’il trouvera dans la social-démocratie engendreront une scission qui affaiblira fortement les capacités du mouvement syndical à l’échelle internationale tout en confortant les divisions perpétrées (au prétexte du plan Marshall et du positionnement des communistes) dans plusieurs pays, en France et en Italie notamment. La FSM amputée d’un certain nombre de ses membres va continuer d'exister. La CGT, comme la CGIL qui en restent membres critiqueront son action, l'alignement des Syndicats des "pays du socialisme réel" [qui y exercent une influence dominante] sur la politique de leurs Etats. Finalement, ces deux organisations s'en retireront.

La mondialisation capitaliste a considérablement renfor la nécessité d’une intervention internationale des travailleurs. Lunité du mouvement syndical international est devenue une nécessité pour changer le rapport de force à l’échelle mondiale. Ce constat, qui traduit la préoccupation de nombreuses organisations de mieux affronter les défis actuels, a conduit au processus de création de la Confédération Syndicale Internationale (C.S.I.).

Son congrès fondateur s’est tenu à Vienne du 1er au 3 novembre 2006 avec pour objectif de rassembler très largement les organisations syndicales nationales, démocratiques et indépendantes, sans exclusive, au sein d'une nouvelle confédération.

Les fondateurs avancent l'ambition de constituer un véritable force sociale face aux institutions économiques et financières internationales (FMI, Banque mondiale, OMC,...). La volonté affichée est d'être en capacité de faire des propositions concrètes pour que des règles sociales et démocratiques s'imposent dans la mondialisation des échanges, permettant de renforcer les droits des salariés et de leurs représentants.

Les débats du congrès de Vienne, ont largement montré les attentes très fortes des organisations syndicales des pays « émergents » (Amérique du sud, Afrique, Asie) confrontés à la surexploitation de leurs richesses et de leurs salariés par les multinationales.

La C.S.I. créée à Vienne est pour le moment un formidable outil, regroupant 168 millions d'adhérents issus de 154 pays représentant 306 organisations nationales.

Sa force réside dans son pluralisme, dès lors que chacun respectera les idées des autres, mais dépendra aussi de sa capacité à développer des mobilisations internationales sur des objectifs économiques et sociaux de progrès.

Les statuts et la résolution adoptés mettent l'accent sur un certain nombre de propositions alternatives qui, certes constituent une avancée, mais ne remettent pas en cause les fondements mêmes de l'économie capitaliste.

L'avenir de la C.S.I. et sa crédibilité demandent la mise en commun des forces des organisations syndicales nationales pour construire un véritable droit social international.

Cela débute par la mise en place de structures de coopération syndicale internationales au sein des multinationales en commençant par organiser l'action pour le respect des conventions de l'Organisation Internationale du Travail (O.I.T.) qui sont bafouées dans des pays qui les ont signés et par leur actualisation, en particulier pour la prise en compte des nouveaux problèmes nés de la mondialisation capitaliste et des inégalités de droits et de situations.

Ainsi, par exemple, en matière de droit syndical, la Corée du sud, dont un représentant postule au poste de secrétaire général de l'ONU, continue d'interdire les organisations syndicales et de réprimer brutalement les mouvements sociaux (77 syndicalistes coréens sont emprisonnés, un militant a été tué et des milliers blessés lors de manifestations, les locaux syndicaux sont évacués sauvagement et les portes en sont soudées,...)

La C.S.I. devra éviter de tomber dans le piège d'une institutionnalisation qui se limiterait à des journées internationales de solidarité (pour le droit des femmes, l'interdiction du travail des enfants, la lutte contre le sida, le respect des droits syndicaux,...).

C'est, au contraire, sur sa capacité à faire vivre ses propositions pour mettre en oeuvre une mondialisation solidaire, sociale et démocratique et sur sa capacité à construire un véritable mouvement social mondial que la C.S.I. répondra aux espoirs que ses fondateurs mettent en elle et assurera sa pérennité.

 

 

 

Pour un nouveau traité : le social et la démocratie au cœur de l’alternative

Par Cirera Daniel , le 01 June 2006

Pour un nouveau traité : le social et la démocratie au cœur de l’alternative

« Il est urgent d'atten dre » . Telle est la conclusion audaci euse du Conseil européen de juin, un an après le rejet du traité constitutionne l par les français et les hollandais.

Attendr e que soient passées les élections du printem ps en France pour relancer le processus institutionne l. La présidence alleman de du premier semestr e 2007 engagera les consu ltat ions, charge à la France qui présidera l'UE fin 2008 de parac hever le com promis final, avant les élections européennes de 2009. C'est dire com bien les échéances électora les frança ises peuvent peser dans le débat sur le devenir de l'Europe. Finalement tout le monde a dû admettr e qu'il ne serait pas possible de faire revoter les frança is et les hollandais sur le même texte. Le traité est caduc, qu'on le veuille ou non. Il faut engager une renégociation pour un nouveau traité. C'est, faut-il le rappe ler, ce que nous n'avons cessé d'expliquer dans les mois qui ont précé dé la victoire du non au référendum. Tout l'enjeu maintenant réside dans ce que sera ce nouveau traité. Pour les tenants du projet avor té, avec à leur tête la chance lière alleman de, les choses sont claires: il faut tout faire pour en maintenir l'essent iel, et faire quelques concess ions cosmé tiques. Surtout ne rien toucher aux politiques européennes , et sur tout pas à la partie III. Or c'est la mise en cause de ces politiques et de leur fondement libéra l qui a été au cœur du rejet du traité const itutionne l.

Or si l'on veut répondr e aux inquiétu des et aux attentes exprimées en France par le non, mais auss i dans les autr es pays dans les résu ltats électorau x notamment dans les pays nouveaux adhérents , mais auss i en Allema gne il faut remettr e le projet européen sur de nouveaux rails. Avec au centr e des enjeux, le social et la démocrat ie. Selon le dernier Eurobaromètr e une majorité d'européens porte un jugement très critique sur l'Europe pour ce qui concerne la lutte contr e le chômage et la protect ion des droits sociaux. Et un frança is sur deux cons idère que «dans l'UE les choses ne vont pas dans la bonne direction».

De ce point de vue, loin de bloquer la situat ion, le non frança is a modifié le paysage européen, selon la formu le du président de la CES, John Monks, «en obligeant à mettre le social au centre des politiques européenne s». Il a fait exploser le consensus social-libéra l en politisant le débat sur les choix européens . Qu’une majorité d'électeurs de gauc he en France se soient prononcés pour le non, en dépit de toutes les pressions, est de grande portée pour l'avenir. A con dition d'ouvrir une perspective. Aujourd’hui à travers le débat sur le nouveau traité et la renégociation, c'est la quest ion des ruptur es à opérer avec les politiques libéra les pour donner cor ps réellement à une Europe du progrès social et de la paix qui est posée . Il doit donc s'agir d'une renégociation globale, et non pas d'une simple adaptation du traité rejeté. De ce point de vue les propositions du par ti socialiste, si elles tiennent com pte du vote des frança is et de l'attac hement aux ser vices publics, ne répondent pas à l'ampleur du défi ni au niveau des attentes exprimées. Elles se rédu isent à un traité purement inst itutionne l sans toucher aux fondements ultra-libérau x du traité antér ieur, notamment pour ce qui concerne les dogmes de la concurr ence.

Or le non a été l'express ion d'inquiétu des et d'exigences profondes. Et la qualité du débat citoyen, comme l'ampleur du rassemb lement populaire réalisé dans la cam pagne pour le référendum, puis dans les luttes pour le ser vice public, contr e la directive Bolkeste in, pour le retrait du CPE, offrent un socle et un cadre pour la bataille qui s'engage. Les grands axes de ce que doit devenir le projet eur opéen sont dans les têtes . Harmo nisation par le haut face à la mise en concurr ence et au dumping social et fiscal. Sécur isation des parcours de vie face à la précar isation devenue la norme du marché du travail. Défense et extens ion du secteur public, et maîtrise sociale face aux exigences de renta bilité capitaliste. Cet enjeu est par ticulièrement sensible pour des quest ions comme l'éner gie, la recherche, la protect ion de l'environnement . La réforme du statut et des missions de la BCE, avec la mise en cause du pacte de stab ilité, au ser vice de la croissance et de l'emploi, devrait devenir un axe for t d’inter vention à l'échelle européenne . Quant à l'immigrat ion et l'élargissement , ils sont instrumenta lisés à des fins politiciennes , avec des risques graves de dérives populistes . Ces quest ions appellent des réponses fortes qui, là auss i, opposent coo pérat ions, construc tion communes , aux logiques ravageuses de la mise en concur rence. Une Europe de la paix implique l'affirmat ion d'une indépendance effective envers les Etats-unis au plan de la sécur ité ou dans l'OMC -, une politique audacieuse pour le développement , la recherche de convergences et d'alliances avec les pays émergents et les ensem bles régionau x des autr es cont inents . Et dans l'urgence une initiative volontar iste pour sor tir de l'impasse tra gique au proche-orient. Nouveau traité et renégociation ne peuvent êtr e l'affaire de cercles d'initiés. La fracture démocrat ique, on l'a dit et redit, est au cœur de la crise du projet européen. Surtout , de telles avancées impliquent un engagement citoyen dans un vaste débat lui-même ancré dans les réalités et les luttes populaires. A l'évidence, ce sera un des éléments d'identification sur ce que doit être une politique de gauc he qui change réellement la vie, dans les cam pagnes pour les échéances électora les de 2007.

Pour les forces dominantes en Europe, les mois à venir sont un mauvais moment à passer, avec l'es poir que le chemin sera dégagé après les élections frança ises. Tout au contra ire, c'est une opportunité pour ouvrir une pers pective réellement novatrice, en ruptur e avec les politiques menées jusque-là. Parce que changement en France et changements en Europe peuvent participer d'une même dynamique. Ÿ

(1) Membre du comité exécutif national du PCF, chargé des questions européennes.
europe@pcf.fr

Un triste anniversaire pour le service public en Europe

Par Le Pollotec Yann , le 31 March 2006

Un triste anniversaire  pour le service public en Europe

En cette année 2006, nous « fêtons » le 20è anniversaire de l'Acte unique européen, qui a débouché sur le marché unique intérieur. Souvenons nous de la France de 1986 : EDF-GDF, les PTT, la SNCF, étaient toutes des entreprises intégrées de service public de réseau dont la propriété était 100% public.

Aujourd'hui le paysage a changé. EDF a été séparée de GDF. GDF, en voie de fusion avec le groupe SUEZ, verrait la part de l'Etat dans son capital tomber à moins de 34%. EDF a été coupée en deux entités, le réseau de transport de l'électricité (RTE) et la production d'énergie électrique. Son capital a été ouvert aux actionnaires privés. La SNCF a été éclatée en plusieurs morceaux : Réseau Ferré de France (RFF) pour les infrastructures (lignes et gares), une entité fret, une entité voyageurs...On a retiré sur les locomotives affectées aux marchandises les boîtiers nécessaires à la traction de train de voyageurs. L'administration des PTT a été dissoute, France Télécom est devenu une entreprise dissociée de la Poste, au capital largement ouvert au privé... EDF, la SNCF, France Télécom ont perdu tout ou partie de leur monopole.

Dans un rapport de mars 2006 (1), L'OCDE préconise que la France aille plus loin dans le démantèlement vertical et horizontal des entreprises publiques ou semi-publiques, accélère et poursuive « un programme ambitieux de privatisation », ouvre à la concurrence toutes les prestations de service, y compris celles relevant du service universel.

L'Acte unique a été la base juridique qui a conduit à cette situation.

L'outil en a été une série de directives sectorielles sur le marché intérieur, les transports, les télécommunications et l'énergie, élaborées de 1986 à 2006, par la Commission européenne, et adoptées par le Parlement européen et le Conseil des ministres de l'Union européenne (2) . Ces directives ont été mises en oeuvre, en étant transposées en lois par les gouvernements successifs de la France. Ces lois ont été votées par les majorités parlementaires du moment. Certes les gouvernements de gauche entre 1986 et 2002 ont parfois ralenti, ou bloqué temporairement le processus de traduction en droit français de ces directives. Mais force est de constater qu'ils ne s'y sont jamais opposés frontalement et qu'ils n'ont jamais été promoteurs d'autres choix (3). Ce comportement de la gauche, n'est pas pour rien dans ses échecs et dans la catastrophe du 21 avril 2002.

Comprendre l'action de la Commission européenne, implique de revenir au contexte économique de 1986. En Europe, l'ampleur des investissements à consentir, les importantes immobilisations en capital à accepter, et des raisons de sécurité nationale, avaient conduit, à partir de la fin des années trente, à concéder à l'Etat, sous une forme ou une autre la gestion des grands services publics de réseaux (électricité, chemin de fer, télécommunication,...).

A la fin des années 70, avec l'amortissement d'une partie des infrastructures, les révolutions technologiques et informationnelles, les débuts de la globalisation des mouvements de capitaux, les services publics de réseau se sont retrouvés en situation d'offrir des niches de profits substantiels.

Pour exploiter ces sources de profits, il fallait privatiser et déréglementer, et donc trouver un moyen de contourner l'obstacle que représentait les monopoles naturels. Il aurait été absurde et dispendieux de construire un réseau de distribution d'électricité parallèle à celui d'EDF, idem pour le réseau ferré de la SNCF où pour les câbles des PTT. C'est pourquoi, le premier travail de la Commission européenne fut d'imposer la séparation de la gestion des réseaux de distribution, des infrastructures, de la fourniture et de la production du service. L'accès aux réseaux et aux infrastructures se faisant sous contrôle d'autorités de régulation dites indépendantes (4) , le prétexte étant d'empêcher des subventions croisées et des distorsions de concurrence.

Ce système permet ainsi à COMEX de faire circuler ses trains de marchandise sur les voies de RFF, à SUEZ de vendre de l'électricité en utilisant les lignes de RTE, aux concurrents de France Télécom de profiter du dégroupage de ses installations.

La justification du système résiderait aux dires de ses laudateurs, dans la possibilité pour l'usager devenu consommateur d'accéder à un service de meilleure qualité à moindre coût grâce à la concurrence.

Le problème est que la réalité et l'expérience montrent le contraire.

Ce système appliqué à la production et à la distribution d'électricité en Californie, a entraîné pénuries d'électricité, pannes, hausses vertigineuses des prix pour les particuliers et les industriels, faillite frauduleuse de l'électricien privé ENRON. En Grande-Bretagne, la privatisation et la vente à la découpe des chemins de fer en 1996, a conduit à une dégradation générale du service cause de plusieurs accidents mortel (5).

En France, RFF qui a du endosser la majeure partie de la dette de la SNCF, se trouve dans l'incapacité d'entretenir convenablement de nombreux segments du réseau ferré avec des conséquences nuisibles sur le trafic des trains Corails et des TER. Le système de charcutage de l'organisation des services publics de réseau aux Etats-Unis est responsable de la gestion calamiteuse de la catastrophe de la Nouvelle Orléans. Surtout lorsqu'on compare cette gestion avec l'efficacité de l'intervention des services publics à la française lors de la tempête de 1999.

Le système de séparation des activités et la privatisation ne profitent pas aux consommateurs. Le plus souvent le service se dégrade et coûte plus cher. Les salariés sont les premières victimes de ce système (condition de travail, salaires, emploi, qualification), mais les gros actionnaires en tirent profit.

Derrière la chasse aux subventions croisées, la désintégration verticale et horizontale des entreprises de services publics, se cache la volonté d'en finir avec l'un des principes centraux de toutes conceptions de service public : la péréquation. C'est à dire, la péréquation entre citoyens pour garantir l'accès égal aux services, mais aussi la péréquation entre entités d'une même entreprise : recherche, réseau, infrastructure, production,... La destruction des relations de coopération et de péréquation entre entités ou entreprises de service public, voire même leur éclate-

ment et leur mise en concurrence, conduit à des pertes de savoir faire, au sous investissement, et à des emprunts au prix fort sur les marchés financiers.

Quitte à provoquer une crise majeure mais salutaire avec la Commission européenne, la gauche ne pourra réussir en 2007 que si elle revient sur les privatisations d'EDF, GDF, France Télécom, nationalise SUEZ et met fin à l'existence de RTE, RFF... en reconstruisant des services publics rénovés faisant toute leur place aux salariés et aux usagers.

  1. Rapport Jens Hoj et Michael Wise, sur « Concurrence sur les marchés de produits et performance économique en France », mars 2006. disponible sur www.oecd.org/eco-fr

  2. Au Conseil de l'Europe, siège les ministres des différents gouvernements de l'Union européenne.

  3. Exception faites des tentatives de Jean-Claude Gayssot.

  4. C'est à dire indépendante des choix politiques, économiques et sociaux des peuples.

  5. Voir www.christianwolmar.co.uk

Un article PDF, ci-joint, de Yann Lepollotec

Conseil d’orientation de l’emploi :une recherche de consensus sur les politiques libérales

Par Le Paon Thierry, le 31 January 2006

Conseil d’orientation de l’emploi :une recherche de consensus sur les politiques libérales

Un des premiers actes du tout nouveau Premier Ministre a été de mettre en place le Conseil d’Orientation de l’Emploi, de le missionner, et de lui donner sa feuille de route. C’était le 6 octobre deux jours après la grande manifestation intersyndicale et interprofessionnelle sur l’emploi, la défense des services publics, la protection sociale et l’augmentation des salaires. Ce conseil, saisi, suite au conflit de Hewlett Pakard pour examiner le rôle des aides publiques attribuées aux entreprises et leur éventuelle conditionnalité à leur politique d’emploi, puis ensuite sur la sécurisation des parcours professionnel, va être amené aussi à examiner les possibilités de réformer la cotisation sociale patronale. Il s’agit pour le gouvernement de tenter de reprendre des thèmes qui montent dans la société, font l’objet de lutte et de débats, sont repris par tous les syndicats, les partis de gauche et le gouvernement lui-même. Ainsi ce dernier, avec le patronat et la droite, tente-t-il de faire illusion en faisant assaut de démagogie tout en cherchant à intégrer les salariés et les organisations à ses orientations ultra libérales.

Le Premier Ministre a confié au Conseil d’Orientation de e l’Emploi l’examen et l’évaluation des politiques publiques de l’emploi et notamment les aides aux entreprises. Celui-ci vient d’adopter un rapport que seule la CGT n’a pas approuvé, notamment en raison de certaines de ses appréciations et préconisations.

Aides publiques : coûteuses et inefficaces

Toutefois celui-ci a confirmé et renforcé nos craintes sur la nature et l’efficacité des aides publiques . Ainsi, après d’autres diagnostics sur le sujet, il reconnaît que « que les aides aux entreprises constituent aujourd’hui un champ vaste, mal connu et peu évalué. Ce premier constat pose une difficulté de principe. Il est mal aisé de proposer de nouvelles conditions et contreparties aux aides publiques sans connaître au préalable l’étendue du champ concerné, sa cohérence d’ensemble, si des dispositifs d’aides existants sont aujourd’hui efficaces, au regard des objectifs poursuivis et si de nouvelles conditions seraient susceptibles d’en améliorer l’efficacité ».

Or, précise-t-il: « la conditionnalité des aides publiques n’a de sens que si les conditions posées sont effectivement contrôlées et sanctionnées et il précise qu’à cet égard les constats sont peu favorables. »

Le Conseil remarque également que les montants financiers consacrés aux aides publiques sont difficiles à évaluer, car il n’existe pas de recensement exhaustif des aides. C’est pourquoi quand il tente de fixer le montant des fonds publics attribués, il estime qu’au total l’ensemble des aides aux entreprises transitant par le budget de l’Etat se situe dans une fourchette entre 1,8 et 3,5% du PIB. Chacune et chacun remarquera la largesse et les précautions prises par le Conseil.

Le Conseil note également qu’afin de palier l’absence de recensement des aides, une commission nationale des aides publiques aux entreprises a été créée par la loi du 4 janvier 2001. Cette commission était chargée d’évaluer leurs impacts économiques et sociaux, quantitatifs et qualitatifs, et de contrôler l’utilisation des aides publiques de toutes natures accordées par l’Etat et les collectivités locales ou leurs représentants publics afin d’en améliorer leur efficacité pour l’emploi, la formation et les équilibres territoriaux.

Dans chaque région, une commission régionale était chargée de recenser et d’évaluer les aides mises en œuvre sur le territoire régional. Cette commission précise le rapport a été abrogée par le parlement le 20 décembre 2002. Ses travaux, pour l’essentiel repris dans le rapport du commissariat général au plan, relatifs aux aides publiques aux entreprises sont, précise le rapport, restés largement inachevés. »

Enfin et en guise de recommandations, le Conseil d’Orientation pour l’Emploi partage les conclusions de la Cour des comptes tout en prenant acte de la qualité et de la variété des travaux d’évaluation produits de longue date par les centres d’études et de statistiques que ce soit la DARES, le CEREQ ou encore l’INSEE. Il regrette que l’effort d’évaluation demeure nettement insuffisant au regard des montants financiers consacrés aux politiques en cause. Le rapport enfin précise page 19, qu’avant même d’envisager de nouvelles mesures, il est de la responsabilité de l’autorité politique de s’assurer de l’efficacité des dispositifs existants. Le Conseil note égale ment à cet égard, qu’il n’a jamais été organisé de façon crédible et durable un lieu de financement et de discussion des évaluations.

Les pouvoirs exécutifs et législatifs n’ont pas fait tout ce qui était possible en la matière. Enfin, et le Conseil le précise, la notion d’aide publique reste confuse pour les acteurs concernés. Cette situation pérennise une méconnaissance des aides distribuées aux différents niveaux : national, régional, local. Cette opacité des aides publiques est d’autant plus problématique que les montants alloués sont considérables. Enfin le Conseil constate qu’il n’existe pas de gouvernance d’ensemble du dispositif français des aides publiques avec une absence de pilotage global au niveau national. Il n’y a pas d’outil performant de gestion et d’évaluation, un défaut d’anticipation. Le poids prépondérant de la culture de la procédure de l’attribution se fait au détriment du contrôle et de l’évaluation par rapport à la finalité des projets. Il y a insuffisance de ressources humaines publiques compétentes dans ce domaine.

Ces courts extraits du rapport qui sera remis dans les prochains jours au Premier Ministre, démontrent que nous ne sommes pas les seuls à nous interroger sur l’efficacité des politiques publiques qui de fait, dépassent largement les 20 milliards d’euros dont on parle couramment. On peut aujourd’hui estimer l’ensemble à environ 50 à 60 milliards d’euros.

Contrat de transition vers ... le chômage et la précarité ?

C’est dans ces conditions et compte-tenu de ces échecs, que le gouvernement tente de reprendre à son compte la question de la sécurisation des parcours professionnels avec notamment le contrat de transition professionnel.

Le thème de la sécurisation des parcours professionnels est repris par tous les syndicats , les partis de gauche et le gouvernement lui-même. Ainsi le patronat et la droite, qui tentent de faire illusion en faisant assaut de démagogie et en parlant de la « sécurité sociale professionnelle », cherchent à intégrer les salariés avec notamment les contrats de transition.

Le Premier Ministre a confirmé la création, à titre expérimental, d’un contrat de transition professionnel. Ce nouveau contrat sera mis en place dans sept bassins d’emplois en difficulté . Il s’adressera aux salariés licenciés économiques d’une entreprise de moins de 300 salariés. Nous sommes donc toujours dans cette logique de la culture du plan social. Remarquons pour la première fois l’ensemble est hors de l’entreprise.

Les principales modalités du dispositif sont encore aujourd’hui mal connues. Nous savons que le salarié signera un contrat avec un groupe d’intérêt public, au sein d’une structure qui reste à créer. Ce groupement pourra mettre le salarié à la disposition d’entreprises publiques ou privées où il exercera une activité. Le salarié aura droit semble-t-il à une formation, il touchera environ 80% de son salaire. Le groupement percevra lui les allocations chômage à la place du salarié. Il percevra également le prix facturé aux entreprises utilisant le salarié. Et si cela ne suffit pas, l’Etat prendra en charge la différence. On pourrait pratiquement dire qu’on fonctionnarise le chômeur.

Nous ne sommes pas avec cette mesure dans une démarche de sécurisation des parcours professionnels, mais dans une simple démarche de transition entre emploi et chômage. Il n’y a pas de pérennisation du contrat de travail comme nous le demandons, c’est en fait une contractualisation du chômage. Ni le salaire, ni la qualification ne sont repris. Ce contrat n’assure en rien le maintien des acquis. Le salarié pourra être mis à la disposition de l’entreprise sans contrat de travail avec son employeur. C’est une nouvelle forme de précarité sans aucune garantie de retrouver un emploi.

Le financement fait appel à l’Etat sans mettre en cause la responsabilité de l’entreprise qui licencie. On peut d’ailleurs s’interroger légitimement sur les nouveaux effets d’aubaine qui en résulteraient. L’activité à laquelle serait astreint le salarié en contrat de transition pourrait se substituer à un véritable emploi, avec un véritable salaire. Nous sommes donc très loin de la sécurité sociale professionnelle voulue par la CGT qui repose sur la pérennisation du contrat de travail, caractérisé par le maintien des acquis du salarié en termes de salaire et de qualification, une formation propre à assurer son développement professionnel, à responsabiliser l’entreprise qui licencie et enfin loin de la solidarité et de la mutualisation des financements par les entreprises elles-mêmes ou les groupes. Le terme de sécurité sociale professionnelle qui correspond à un réel besoin ne serait être galvaudé, il doit se traduire par de vraies garanties pour les salariés et des obligations pour les employeurs indispensables à la réussite des mutations de tous ordres auxquelles les salariés sont confrontés.

Le Conseil d’Orientation pour l’Emploi est également saisi de cette question de sécurisation des parcours professionnels. Si le terme est le même pour chacune des composantes du conseil, nous n’y mettons évidemment pas la même chose. Pour certains, et à dire vrai la plupart des membres du Conseil, il s’agit de trouver de nouvelles formes de financement de l’assurance chômage et des parties non travaillées dans la carrière du salarié potentiel Pour nous il s’agit de sortir de la logique et de la culture du plan social, pour véritablement sécuriser les parcours professionnels et garantir un travail et un revenu à l’ensemble des salariés.

Il suffit de regarder les propositions des autres organisations syndicales pour se rendre compte qu’elles ne sont pas en rupture comme peut l’être la CGT sur ces questions de restructurations, du poids et des responsabilités de chacun des acteurs. La question de la formation et la manière dont elle est abordée en dit long sur les diverses approches. Par exemple, pour la CFDT, la CFTC, mais aussi Force Ouvrière, la formation est utilisée principalement entre deux contrats de travail et constitue un outil d’adaptation, ce que d’ailleurs réclame le MEDEF.

Au contraire, en ce qui nous concerne, nous pensons que la formation est un outil d’émancipation qui doit se faire autant dans les périodes où il y a activité professionnelle que les périodes où il peut y avoir absence d’activité professionnelle. La formation ne doit pas permettre, comme cela semble être encore le cas aujourd’hui, de transférer des périodes d’inactivité sur les budgets des régions qui gèrent la formation, mais bien être vécue comme outil d’émancipation. Il y a sur ces aspects un grand besoin d’intervention du politique pour gagner à l’élévation des savoirs et des qualifications.

En clair, quand nous sommes en mesure de débattre de notre proposition de création d’une véritable sécurité sociale professionnelle, avec un statut du travail salarié et des droits afférents à la personne du salarié, notre proposition ne répond pas à l’attente immédiate des salariés qui souhaitent eux trouver une solution à leurs difficultés immédiates. Paradoxalement là où l’emploi n’est pas menacé ou directement menacé nous avons d’énormes difficultés à parler de sécurisation des parcours professionnels, puisque la crainte de perdre son emploi n’est pas perçue ou ressentie comme étant une possibilité.

Il nous faut donc raisonner de manière plus globale et redéfinir le champ du travail dans notre société et là évidemment nous rentrons dans des questions qui dépassent le syndicalisme et concerne le politique dans son ensemble, politique nationale mais également politique européenne.

De même, je doute de l’efficacité des moratoires suspensifs contre les licenciements, dès lors que ceux-ci ne sont pas articulés à des propositions alternatives crédibles et soutenues par de fortes mobilisations dans et hors de l’entreprise comme ce fut le cas pour Nestlé à Marseille. De même, des droits nouveaux pour les salariés et des moyens pour les pouvoirs publics (voire même des institutions nouvelles non inféodées au patronat) sont nécessaires pour obliger les chefs d’entreprise à prendre en compte les propositions des salariés.

Quelle réforme de la cotisation sociale patronale ?

Enfin, le Conseil d’orientation de l’emploi qui a déjà réfléchi sur les causes du chômage, sur la sécurisation des parcours professionnels, sur les financements publics a également été mandaté pour remettre un rapport sur le financement de la Sécurité Sociale. D'emblée, l’accent est mis sur le fait que dans notre pays le financement de la protection sociale repose pour deux tiers sur les cotisations et pour un tiers sur la fiscalité. Il est à noter que nous sommes le seul pays en Europe à fonctionner comme cela. Ailleurs c’est exactement l’inverse. Pour autant nous buttons dans l’avancée de notre proposition sur le fait que, si en raison de notre « culture du plan social », nous sommes réactifs dès lors qu’un plan de restructuration est annoncé, nous ne sommes par contre insuffisamment proactifs. Travailler sur le coût du travail, sur la sécurisation des parcours professionnels débouche obligatoirement ou prépare obligatoirement la réforme de la Sécurité Sociale autre grand chantier mis en œuvre par le 1er ministre et voulu par le Président de la République.

Une première séance de travail aura lieu le 8 mars prochain ou Malainvaud, Chadelat et De Foucault viendront nous proposer un rappel de ce qui était contenu dans leurs rapports. Il est également prévu et le gouvernement a mandaté trois cabinets pour travailler sur la réforme du financement de la protection sociale, qui devront proposer leurs rapports au Conseil d’orientation de l’emploi pour avis entre fin mars et début mai.

Le Conseil formulera des avis sur les trois scénarios possibles et le gouvernement devrait prendre une décision avant fin juin.

Dire cela montre l’ampleur des tâches et la rapidité avec laquelle le Gouvernement tente d’opérer. Sans doute avons-nous intérêts à travailler la cohérence des différentes réformes et non pas seulement à contester les réformes une par une.

Il s’agit bien de travailler la cohérence d’ensemble en cherchant tout à la fois à modifier les conditions de la production de la valeur ajoutée afin de promouvoir un travail qualifié et une efficacité sociale et tout en poussant à un autre partage de la valeur ajoutée.